Festival de Locarno | Critique : Salve Maria

Maria, une jeune écrivaine prometteuse et mère depuis peu, tombe sur une nouvelle terrifiante : une Française a noyé ses jumeaux de 10 mois dans la baignoire. L’atrocité de cet acte s’empare de l’esprit de Maria, jusqu’à devenir une obsession. Pourquoi a-t-elle fait ça ? À partir de ce moment, le spectre de l’infanticide plane sur la vie de Maria comme l’ombre d’un possible.

Salve Maria
Espagne, 2024
De Mar Coll

Durée : 1h51

Sortie : –

Note :

MÈRES EN PARALLÈLE

Depuis qu’elle est récemment devenue mère, Maria est complètement raplapla. Normal, « ça va passer » lui répond son compagnon d’un haussement d’épaule nonchalant. Pourtant l’épuisement s’accumule pour cette autrice qui n’a plus ni le calme nécessaire pour écrire son prochain livre, ni le luxe de sortir chercher l’inspiration en dehors de chez elle. La fenêtre du salon semble être la seule chose qui la relie encore au monde extérieur (ou l’empêche de se jeter dans le vide ?), or la poignée de celle-ci n’arrête pas de se briser, nécessitant des bricolages de plus en plus zinzins à base d’épaisses barricades de scotch. Il y aurait de quoi devenir fou, et la folie va effectivement s’inviter dans le quotidien de Maria, mais pas comme prévu.

Maria croise la route de deux mamans très différentes : une voisine à l’humour morbide qui s’avère être une fan un peu trop intense, et une mystérieuse Française faisant la une des journaux télé pour avoir tué ses enfants. Hypnotisée par ce fait divers, Maria se met en tête de tout faire pour rencontrer la seconde, mais ne fait que tomber nez à nez avec la première. La question de la maternité contrariante, avec tout ce que cela symbolise historiquement et politiquement, continue de traverser le cinéma espagnol contemporain : Dos madres, La Imatge permanent, La Piedad, Madres paralelas… Adaptant un roman de l’écrivaine basque Katixa Agirre, la cinéaste catalane Mar Coll filme la maternité à la manière d’un parcours sans réponse, fait d’étrange tension.

Au bord du précipice, Maria commence à fuir son quotidien, avant de quitter la ville sur un coup de tête. Après quoi court-elle ? La question n’est pas anodine car dans cette deuxième partie du récit, le film adopte un rythme plus langoureux et frustrant qui convient moins à son utilisation des non-dits et des pointillés. C’est surtout dans la mise en place que l’écriture de Coll de distingue le plus, il y a là une finesse efficace pour tisser le stress quotidien et évoquer entre les lignes la violence de la charge mentale posée sur les épaules des mamans. Mise en scène avec un réalisme aux tons gris, cette histoire possède dans ses meilleurs moments une énergie triste et sauvage à la fois. Un équilibre parfaitement traduit par l’actrice Laura Weissmahr et son regard à la fois épuisé et profond.

par Gregory Coutaut

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