Mostra de Venise | Critique : Peacock

Matthias est un maître dans son métier. Avez-vous besoin d’un « petit ami cultivé » pour impressionner vos amis ? Un « fils parfait » pour influencer l’opinion que vos partenaires d’affaires ont de vous ? Ou peut-être simplement un sparring-partner pour répéter une dispute ? Quoi qu’il en soit, il suffit de louer Matthias ! Bien qu’il excelle à faire semblant d’être quelqu’un d’autre tous les jours, le simple fait d’être lui-même est le véritable défi. 

Peacock
Autriche, 2024
De Bernhard Wenger

Durée : 1h42

Sortie : –

Note :

L’HOMME QUI N’ÉTAIT PAS LA

Poli, propre sur lui, discret et attentionné à la fois : les clients de Matthias disent de lui qu’il a tout de l’homme idéal. Mais qu’est-ce qui définit exactement un homme idéal ? Quelle est la qualité ultime ? Peut-être l’adaptabilité : qu’il se retrouve dans un concert de musique expérimentale, au beau milieu d’une serre cossue ou dans le salon de quidam lambda, Matthias a pour prodigieuse qualité de toujours avoir l’air à l’aise et à sa place, comme un vêtement à taille unique qui irait à tout le monde. Le beau Matthias n’est pas un travailleur du sexe, c’est plutôt un escort platonique qui, grâce à un physique agréable et passe-partout à la fois, peut se faire passer pour un fiancé, un fils ou papa parfait le temps d’une performance convaincante.

Premier long métrage du cinéaste autrichien Bernhard Wenger, Peacock est une comédie qui happe rapidement par ses qualités esthétiques. Il y a là un véritable soin apporté aux couleurs mais aussi au choix des décors à la fois opulents et anonymes comme si le protagoniste vivait dans un catalogue d’ameublement très agréable à regarder. Plus discret, le travail sur les costumes est une autre réussite à souligner. Avec son look (et surtout sa moustache) mi-daron mi-mannequin, Matthias parvient l’air de rien à se fondre dans tous les âges et milieux sociaux. Il met autant d’application distanciée à habiter ces rôles éphémères qu’à mener sa vie privée, et c’est peut-être bien ça le problème. « Tu n’as plus l’air réel » lui reproche sa copine exaspérée.

A bien des égards, Peacock possède quelque chose de très autrichien. L’artifice assumé de la mise en images n’empêche pas de parler du réel, comme c’est le cas chez Seidl, Hausner, Geyrhalter (qui est ici producteur) ou encore Hoesl. Cette parabole sur l’irresponsabilité sociale peut d’ailleurs évoquer Veni Vidi Vici, mais hormis l’étonnante scène d’ouverture, Peacock ne recherche pas le même vitriol politique. L’arrogance de Matthias est naïve, inconsciente et surtout d’une drôlerie pathétique, à l’image d’un paon qui ne sait rien faire d’autre que la roue à qui mieux-mieux. Tel ce chatoyant oiseau, le sympathique Peacock manque peut-être un peu de danger et de mordant à force de vouloir faire sourire (le portrait moqueur du milieu de l’art contemporain n’est pas très inspiré), mais possède un charme efficace et indéniable.

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par Gregory Coutaut

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