MON PLUS BEAU NOËL

A Yiwu, on peint des boules de Noël, on soude des faux sapins, on taille des étoiles scintillantes. Le documentaire du Serbe Mladen Kovacevic (lire notre entretien) se déroule dans une ville chinoise dont l’une des spécialités est la confection de décorations de Noël, prêtes à être envoyées (essentiellement) en Occident. « Qu’est-ce qui différencie ce qu’on célèbre au Nouvel An occidental et à Noël ? », entend-on à un moment de Merry Christmas, Yiwu. C’est précisément ce décalage étrange qui fait le sel du documentaire ; celui-ci dépeint une mondialisation surréelle dans un pays dont on ne peut pas dire qu’il célèbre Noël avec la même ferveur que de ce côté du monde.

Les objets sont multicolores, le kitsch est scintillant, et pourtant ce qu’on confectionne dans une usine où règne le travail à la chaîne importe peu. Les ouvriers (ici, souvent des ouvrières) travaillent avec un mélange de soin et de détachement. Cela ressemble à l’atelier du Père Noël ? Ça reste malgré tout une usine et la peinture rouge qui a giclé sur le mur pourrait aussi bien être une trainée de sang. « Ne rêve pas, tu dois travailler, les fantasmes ça ne sert à rien », dit-on à une jeune fille qui oserait rêver d’une autre existence.

Kovacevic décrit la vie autour : les discussions près du billard, les consignes pour les devoirs d’école, l’incontournable passage au karaoké où enfin les sentiments se libèrent en chanson. Mais il raconte in fine un monde-usine où l’essentiel de la vie semble tourner autour de la productivité qui de toute façon n’est jamais suffisante. Le film, un eu trop long, a néanmoins le mérite d’élargir le cadre, de l’individu à l’universel. Un plan vertigineux sur un espace industriel à perte de vue nous donne l’illusion de survoler un décor de partie de Tetris. Quelle place pour les fourmis qui y vivent ? Pour cette grand-mère à qui l’on apprend à faire un bonnet rouge fantaisie ? Lors d’une nouvelle vision surréelle, une pièce grise et exiguë est inondée de fausse neige. Comme si la magie en toc et ce qu’elle représente en yuans avait envahi tout l’espace.

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