Festival de Rotterdam | Critique : Looking for Venera

Venera, adolescente calme et taciturne, vit dans un petit village du Kosovo. À la maison, trois générations se côtoient dans un espace exigu, et Venera n’a pratiquement aucune intimité. Dans les rues et au café, ce n’est pas beaucoup mieux : il y a toujours un frère, un neveu ou un voisin qui la surveille. Une fille doit protéger sa bonne réputation – et celle de sa famille. Dans ces conditions, il est difficile pour Venera de suivre son propre chemin…

Looking for Venera
Kosovo, 2021
De Norika Sefa

Durée : 1h50

Sortie : –

Note :

MES DÉSIRS SONT DÉSORDRE

Le titre de ce film kosovar nous invite à chercher Venera. Protagoniste toujours en mouvement, celle-ci est pourtant omniprésente à l’écran. Où pourrait-elle bien se cacher de toute façon dans ce village qui ressemble moins à un havre de paix qu’à un chantier perpétuellement en friches. Un village où tout est marron : la montagne, les chemins, les voitures, les cheveux, les manteaux, et finalement l’horizon tout entier… Autour de la maison familiale : même pas une vraie route pour s’enfuir, rien que des dédales de terre séchée, et à peine un sombre tunnel. Si Looking for Verena s’ouvre en pleine forêt par une scène de rendez-vous amoureux, celui-ci est davantage mis en scène comme une scène de chasse, où les jeunes filles feraient bien de rester aux aguets. Quelle place dans un tel contexte pour une adolescente éprise de liberté ?

Où Venera pourrait-elle bien se cacher de toute façon, pour dissimuler ses désirs naissants au regard des autres, et en particulier celui des hommes ? Jeunes mectons qui évaluent les filles, vieux pochtrons qui les jugent : nulle ici n’échappe au male gaze. Ni maman-soumise, ni mamie-maboule incapables d’oublier des réflexes de séductions frivoles. Le film n’a pas besoin de souligner le poids de ce regard en créant des scènes artificielles de confrontation : dans la vie de tous les jours, où que Venera aille, des hommes sont toujours là, plantés quelque part dans le champ de la caméra. Et ceux-ci n’ont même pas besoin de hausser la voix. « La guerre nous a pris nos meilleurs hommes » nous explique-t-on. Il a quand même l’air d’en rester un sacré paquet, attendant çà et là en grappe ou plutôt en troupeau comme des veaux. Le bar branché du coin s’appelle The Factory, et il ressemble en effet à une usine à beaux connards.

Bien que mises en valeurs par une lumière chaleureuses, presque dorée, et une photo à la netteté aiguisée, Venera et les autres femmes sont souvent poussées au bord du cadre Comme si elles n’avaient d’autre place qu’à la marge de leur propre vie. Pour son premier long métrage, la cinéaste kosovare Norika Sefa (lire notre entretien) fait preuve d’une écriture intelligente et d’un sens de la mise en scène qui privilégie le dynamisme et les décalages, qui dépoussière d’éventuels clichés contemplatifs. Looking for Venera est sans doute trop long, et s’essouffle un peu par moments dans sa deuxième partie, mais ce que le film met en scène avec brio, c’est le souffle qui pousse Venera hors du cadre et plus loin que l’horizon. Où Venera, héroïne prête à empoigner – au sens propre – son destin, pourrait-elle bien s’enfuir? Partout : il n’y a pas une porte qui puisse lui rester fermée.

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par Gregory Coutaut

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