Critique : Le Monde après nous

Labidi est un jeune écrivain fauché. Pour survivre, il est coursier à vélo et habite en colocation dans une chambre de bonne. Entre petites magouilles et jobs d’appoint, Labidi essaie de concilier ses rêves d’écriture, ses amours naissantes et un train de vie au-dessus de ses moyens.

Le Monde après nous
France, 2021
De Louda Ben Salah-Cazanas

Durée : 1h25

Sortie : 20/04/2022

Note :

A BOUT DE SOUFFLE

Le personnage principal du Monde après nous l’avoue lui-même : il n’a aucune idée de ce qui le pousse à écrire. Le jeune homme ajoute, au sujet de son activité: « je fais autre chose, je suis ailleurs » – peut-être un meilleur endroit que là où il se trouve actuellement. Pour son premier long métrage, le Français Louda Ben Salah-Cazanas (lire notre entretien) signe un film d’horreur sociale qui très rapidement parvient à saisir l’angoisse terrible commune à plein de jeunes gens d’aujourd’hui. De l’anxiété de la carte bleue aux petites humiliations quotidiennes, le film ne fait pas preuve de pudeur tortueuse et n’emploie pas d’euphémisme : malgré son appartement parisien, malgré son smartphone (cassé) et son ordinateur (utilisé dans l’espace gratuit d’une bibliothèque), Labidi est pauvre.

C’est important de le nommer ainsi dans un film qui décrit des situations ou rien n’a de sens. Pas le gentil bullshit sur la fraternité que l’on peut entendre à la mairie. Surtout pas le cauchemar du small talk entrepreneurial, tartiné de « bienveillance » et prétendument « human friendly ». On peut dans Le Monde après nous faire des livraisons Deliveroo avec une casquette Taittinger sur la tête. On ne sait pas où cette casquette a été trouvée, en fait on ne se pose plus de question dans ce qui est une course à la survie.

Les protagonistes du Monde après nous sont la plupart du temps filmés de très près. Une éditrice, dans le film, loue les qualités d’immersion du jeune auteur et personnage principal. Louda Ben Salah-Cazanas les partage dans ce film vivant et urgent. La musique de fond ressemble souvent à des instruments qui s’accordent. Labidi dans ce capharnaüm tente de trouver sa mélodie malgré les embûches. Quand la réplique « on est dans un pays qui déprécie la culture » a-t-elle été écrite ? Celle-ci, aujourd’hui, à l’heure du mépris total de la culture par le pouvoir, rayonne de façon particulière.

Mais ce qui rayonne aussi, c’est le rêve qui porte Labidi. Il ne sait pas ce qui le pousse à écrire ? Est-ce une chose qu’il a en lui, est-ce la perspective d’un ascenseur social ? « La seule chose qui est inévitable, ce sont les rêves que nous nous imposons », commente le cinéaste. Le Monde après nous pourrait in fine flirter avec la complaisance – ce qu’il évite, notamment en trouvant une porte de sortie. Celle-ci est peut-être plaquée de manière un peu brutale au reste du long métrage, mais cette respiration après le risque d’asphyxie est aussi ce dont parle ce long métrage intense et poignant.

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par Nicolas Bardot

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