En petite bande joyeuse, ils dansent, rient, font des batailles de boules de neige, mais où dormiront-ils cette nuit ? Dans un hall de gare ? Dans un centre d’hébergement ? En France, aucun enfant ne devrait se poser ces questions.
Le Bon grain et l’ivraie
France, 2018
De Manuela Frésil
Durée : 1h34
Sortie : 09/06/2021
Note :
LES ENFANTS DU SILENCE
Remarquée notamment avec son film Entrée du personnel, la Française Manuela Frésil signe avec Le Bon grain et l’ivraie un documentaire au sujet édifiant sur le sort des migrants en France et plus particulièrement de leurs enfants. Quel toit ont-ils sur la tête ? Vivent-ils dans un centre d’hébergement, dans un hall de gare, dans un square encerclé par le trafic des voitures ? Comment des humains – et ici, des enfants – peuvent-ils supporter cela ?
Frésil pourtant parvient à filmer les jeux insouciants des enfants. Ceux-ci s’ouvrent et se confient avec une spontanéité et un naturel assez étonnants – avec une grande lucidité aussi. « Pourquoi tu pleures, t’as une tristesse ? », demande t-elle tendrement à une fillette qui laisse échapper une larme mais qui pourtant sourit. La cinéaste trouve régulièrement la bonne distance pour que son approche soit « au service de », une dignité pour ne pas transformer leur vie en un spectacle sordide.
Néanmoins, on n’élude pas les drames vécus par les familles dans leurs pays d’origine. Les témoignages des adultes enregistrés à l’Ofpra (L’Office français de protection des réfugiés et apatrides) sont lus en off et sont terribles. Certaines familles pourront rester, d’autres seront renvoyées. Est-ce ça, séparer le bon grain de l’ivraie ? Au de, Frésil préfère un et dans le titre de son film qui met en lumière l’absurdité et l’inhumanité de ce tri, comme s’il y avait de mauvaises herbes parmi des victimes de guerres et autres violences. Il y a du cœur dans ce regard porté sur quelques gamins joyeux face aux flocons de neige. Une fillette rêve de sirène tout en sachant qu’elles n’existent pas – Manuela Frésil saisit cette perte d’innocence précoce de manière poignante.
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par Nicolas Bardot