Critique : La Ligne

Après avoir agressé violemment sa mère, Margaret, 35 ans, doit se soumettre à une mesure stricte d’éloignement en attendant son jugement: elle n’a plus le droit, pour une durée de trois mois, de rentrer en contact avec sa mère, ni de s’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Mais cette distance qui la sépare de son foyer ne fait qu’exacerber son désir de se rapprocher des siens. Chaque jour la voit revenir sur cette frontière aussi invisible qu’infranchissable.

La Ligne
Suisse, 2022
De Ursula Meier

Durée : 1h41

Sortie : 11/01/2023

Note :

DISTANCIATION PHYSIQUE

Il y a bientôt 15 ans, la Franco-Suissesse Ursula Meier signait avec Home un premier long métrage dans lequel le foyer familial s’établissait sur un improbable territoire, totalement isolé au bord d’une autoroute. Dans La Ligne, à nouveau, le foyer se retrouve circonscrit dans un espace absurde, délimité par une ligne bleue tracée naïvement par la jeune Marion, cadette de la famille. Cette ligne arbitraire symbolise la distance que sa grande sœur Margaret doit respecter : la justice l’a condamnée à ne plus s’approcher de sa mère après une violente altercation. Ce sont des lieux physiques et concrets que la cinéaste filme (très vite dans La Ligne, un beau plan en scope montre la présence puissante des Alpes dressées au-dessus des maisonnettes), ce sont aussi, de manière assez évidente dans Home comme dans La Ligne, des espaces mentaux.

Dans ses trois premiers longs métrages, Meier s’intéresse à des rapports familiaux dysfonctionnels voire toxiques, où la figure maternelle est souvent malmenée. Cela va encore plus loin ici avec cette mère-ogresse incarnée avec feu par Valeria Bruni Tedeschi dont le jeu à fleur de peau rend son personnage imprévisible, toujours au bord du déraillement – le film ne recule guère devant la méchanceté et c’est en partie ce qui lui donne du relief. Ursula Meier se montre également habile pour changer de protagoniste en cours de route avec fluidité et son scénario sait varier les registres, de la douceur à l’hystérie, de la drôlerie au pathétique.

La Ligne s’ouvre par une scène sans dialogue audible, où l’on ne perçoit que la musique qui recouvre tout et quelques sons qui s’en échappent. Cela annonce des motifs explorés ensuite par le film qui, de temps à autres, aurait peut-être gagné à être moins dialogué et avoir moins recours à certaines figures figée (comme Biolay dans le rôle du sage paternaliste). Cette danse grotesque et muette installe une relation mère-fille où l’on ne sait plus s’entendre. Margaret, incarnée avec nuances par Stéphanie Blanchoud, est un personnage complexe sur lequel le regard du spectateur peut évoluer et s’enrichir au fil du film. Il y a une tache dans le portrait de famille idéal, mais cette tache se situe t-elle où l’on croit ? Et si l’on frotte, si l’on prie Dieu, si l’on se retrouve, est-ce que cette ombre disparaîtra ?

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par Nicolas Bardot

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