Festival du Caire | Critique : Good Madam

Tsidi, une mère célibataire, est contrainte d’emménager avec sa propre mère Mavis dont elle s’était éloignée. Mavis est une employée de maison qui s’occupe de manière obsessionnelle de sa « Madame », une femme blanche catatonique. Tandis que Tsidi tente de soigner sa famille, un sinistre spectre commence à planer sur elle…

Good Madam
Afrique du Sud, 2021
De Jenna Cato Bass

Durée : 1h32

Sortie : –

Note :

UNE CHAMBRE A SOI

Dans la fable surnaturelle High Fantasy comme dans le buddy movie féminin Flatland (tous deux sélectionnés à Berlin), la cinéaste Sud-Africaine Jenna Cato Bass avait démontré un sens du ludique plutôt prometteur, un empressement sympathique à retourner les stéréotypes pour mieux refléter l’identité fragmentée de son pays. Good Madam appartient à un registre plus immédiatement sérieux que ses films précédents. On est toujours dans du cinéma de genre, mais ici le surnaturel ne prête pas à rire. La musique ne perd pas de temps à nous le faire comprendre et n’hésite pas non plus à revenir le rappeler.

L’entreprise de Jenna Cato Bass, qui dit avoir envisagé ce film comme un exorcisme, reste néanmoins la même. Elle décrit ici l’Afrique du Sud comme un pays où le passé vit toujours aux côtés des vivants. Chassée de chez elle, Tsidi débarque chez sa mère qui vit dans la demeure d’une femme blanche à qui elle sert de femme à tout faire. Jamais montrée à l’image, cette dernière vit cloitrée dans sa chambre à l’étage, tel un fantôme dans le grenier. Mais les fantômes, ce sont aussi ces trois femmes noires de générations différentes : Tsidi qui erre de foyer en foyer, sa mère dévouée au point de faire le ménage dans son sommeil comme une somnambule, mais aussi sa fille, à qui Tsidi apprend à se faire la plus discrète possible : pour être tolérée, il faut faire comme si on existait pas.

Qui habite réellement une maison, si elle n’est occupée que par des femmes qui se cachent chacune dans leur pièce ? Qui hante qui ? Utiliser le fantastique pour parler de colonialisme est une métaphore riche et passionnante, qu’on retrouve d’ailleurs régulièrement dans le cinéma brésilien contemporain. Jenna Cato Bass n’y va pas de main morte en rajoutant une seconde métaphore, celle d’une malédiction passée qui aurait transformé les enfants d’esclaves en domestiques de leurs anciens maîtres, perpétuant ainsi une chaîne d’exploitation. Good Madam est un film doué pour lancer des pistes, mais qui demeure contraint par une mise en images un peu trop appliquée. Il n’est pas certain que le résultat soit entièrement à la hauteur de ses promesses. Good Madam reste néanmoins un film avec de l’ambition, tant mieux.

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par Gregory Coutaut

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