ESPRIT ES-TU LÀ ?

Dans la compétition documentaires du Transilvania Film Festival était présenté il y a quelques jours Echo of You de la Danoise Zara Zerny, un émouvant témoignage de personnes âgées confrontées au deuil et à la solitude. Eternal You des Allemands Hans Block et Moritz Riesewieck, projeté dans la même compétition, montre comment lutter contre cette solitude : grâce à l’intelligence artificielle. Le documentaire s’intéresse en effet à différentes startups proposant à des personnes endeuillées de communiquer avec leurs proches disparus. Ce n’est pas de la science-fiction (ironiquement, le premier projet montré à l’écran utilise une typo rétro rappelant les jeux vidéos d’un vieil Atari), mais cela a l’apparence d’une inexplicable magie.

L’intelligence artificielle exauce ainsi ce que promet la religion : vaincre la mort. Les protagonistes échangent avec les avatars de leurs disparu.e.s – on peut y trouver son compte pour apaiser son chagrin, corriger une dernière conversation, ou se souvenir. Le documentaire élargit le champ à la VR envisagée comme une nouvelle forme de mémorial. Ces moments qui, sur le papier, pourraient constituer une sorte de réconfort, posent néanmoins des questions. D’abord sur notre rapport tabou ou malsain au deuil. Puis sur notre désir de modifier la réalité à partir d’un outil qui, malgré l’illusion d’une intimité, demeure sans conscience.

Eternal You est, à nos yeux, limité par sa forme trop conventionnelle de doc à têtes parlantes et de vif zapping qui ne semble pas faire suffisamment confiance au public. La richesse du sujet est néanmoins captivante, notamment lorsque le film aborde un dilemme moral supplémentaire : qui, dans des situations aussi tragiques, se fait de l’argent et dans quel but ? Eternal You ne dépeint pas seulement un outil technologique créé par des bons génies, au service bienveillant de personnes en souffrance – il raconte un capitalisme inarrêtable jusque dans la mort, examinant la moindre faille et exploitant la détresse. Qui sont ces apprentis sorciers comparés à Oppenheimer, pour quelles sociétés irresponsables travaillent-ils ?

Le film trouve encore un autre vertige lorsque la machine millimétrée déraille et que l’entreprise sérieuse tourne au flop tragicomique (suite à un bug, l’avatar d’un être cher confie qu’il se trouve… en enfer). Autre moment mémorable du film : dans un salon, près de l’ordinateur, les proches sont toutes et tous réuni.e.s, écoutant le miracle futuriste de l’intelligence artificielle. Mais de manière troublante, la scène ressemble comme deux gouttes d’eau à une séance mystique autour d’une vieille planche ouija.

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