Festival Cinélatino | Critique : El Eco

Dans le village mexicain d’El Eco, la vie se déroule hors du temps. En s’approchant au plus près du quotidien de ses habitants, la réalisatrice Tatiana Huezo capte des moments de grâce, de magie et de mystère. À travers le film, résonnent l’écho de ce qui s’accroche à l’âme et la puissance de la terre.

El Eco
Mexique, 2023
De Tatiana Huezo

Durée : 1h42

Sortie : –

Note :

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La Mexico-Salvadorienne Tatiana Huezo a ouvert la séance d’El Eco en ces termes : « le film est né du besoin de continuer à parler d’un Mexique moins sombre et violent que dans mes films précédents ». El Eco, doublement primé en début d’année à la Berlinale avant d’effectuer un brillant parcours en festivals, est un retour au documentaire pour la cinéaste qui avait signé sa première fiction, Prayers for the Stolen, il y a deux ans. Mais il ne s’agit pas littéralement d’un retour : Huezo explique, même s’il s’agit d’un documentaire, qu’elle s’est beaucoup servie de ce qu’elle a appris en faisant une fiction afin de réaliser El Eco.

On entre dans le film d’abord par le son tandis que l’écran reste noir : c’est l’eau et le vent, l’aboiement des chiens ou le bêlement des brebis. Cette attention aux détails environnants est une entrée sensible dans un film où la nature prend tellement de place, qu’il s’agisse de grands cieux dramatiques, ou d’orages spectaculaires que les animaux regardent la nuit. Dans ce grondement, il y a la vie qui se déroule au cœur d’un village. Huezo y raconte différents apprentissages : celui laborieux à la ferme, celui poétique de la nature et enfin celui sur les bancs de l’école – sans jamais que le film ne soit particulièrement didactique.

Avec un précieux regard attentif, la cinéaste dépeint la vie quotidienne tandis que, dit-on, les sorcières rôdent. A l’école, on parle d’herbes agissant contre les maux de ventre mais aussi contre les sorcières : dans ce monde, la nature et les croyances font, ensemble, partie de la vie. C’est un documentaire certes, mais il y a aussi une dimension de conte mythologique qui s’invite lorsqu’une jeune fille parle à sa grand-mère qui aurait été « la première femme du village ». Des femmes, il n’y a pourtant que cela ou presque à l’écran, dans cette micro-société matriarcale en lien avec la nature.

Avec de tels éléments, le film aurait pu buter sur une vision pittoresque mais la cinéaste sait donner un inconfortable relief à son récit – sur les rôles genrés et figés, sur un monde clos que l’on rêve de fuir, sur un quotidien dédié au travail et qui fait dire à une personne diminuée par son âge : « Maintenant, je ne sers plus à rien ». La limite du long métrage se situe probablement dans le fait que le récit est si ténu qu’il semble partir du principe que nous serons forcément émus par le regard affectueux porté sur des enfants et leur quotidien – ce qui peut être un piège de beaucoup de documentaire sur l’enfance. Le point de vue de Huezo, transcendé par la force de sa mise en scène, parvient néanmoins à saisir une troublante singularité : ce village appartient-il aux enfants ou sont-ils livrés à eux mêmes ? L’enfance est-elle une aventure ou une épreuve ?

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par Nicolas Bardot

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