Critique : Dovlatov

U.R.S.S., 1971. Six jours dans la vie de l’auteur Sergei Dovlatov, alors journaliste pour des magazines au service de la propagande du régime – mais qui rêve avant tout d’écrire un grand livre. Six jours dans l’intimité d’un artiste brillant et caustique, qui se bat pour continuer à écrire avec intégrité malgré les persécutions d’une écrasante machine politique. Six jours qui façonnent le destin d’un des plus grands écrivains russes du XXème siècle, qui fut capable de penser au-delà des limites imposées par le régime soviétique.

Dovlatov
Russie, 2018
De Alexey German Jr.

Durée : 2h06

Sortie : 12/09/2018

Note : 

« La réalité est inséparable de la fiction en Russie » : voici une réplique qui pourrait annoncer l’intéressant programme de Dovlatov, nouveau long métrage du Russe Alexei Guerman Jr racontant quelques jours dans la vie de l’auteur Sergueï Dovlatov. Cela restera malheureusement une note d’intention dans cette nouvelle boursouflure du réalisateur de Under Electric Clouds. Le film raconte les difficultés du jeune écrivain à se faire publier, dans une Russie aussi figée que glacée – et on ne parle pas que du climat.

Dovlatov ressemble, malgré l’étonnante jeunesse de son réalisateur, à ce cinéma européen de vieille Pompadour persuadée d’être en position de toiser son monde alors que des vieux piafs ont commencé à faire leur nid dans sa perruque défraichie. Comme le précédent film de Guerman Jr, Dovlatov nous inflige la double peine de la pénibilité et de la pédanterie. La description de ce milieu brillamment cultivé tourne au name-dropping répétitif jusqu’au ridicule involontaire (« Aimez-vous Sophocle ?« , lance t-on sur le même air que « passe-moi le sel« ) et de la culture le film n’a que le vernis. Sérieux comme un pape, le film fait quelques généreux dérapages vers le kitsch avec ses répliques telles que « Kiwi, kiwi… Paris. La Finlande ! » (dite évidemment avec une emphase pachydermique) ou ses choix de mise en scène comme ce moment malaise durant lequel une mamie en fichu nous juge par son regard caméra.

#MeToo est au cœur de beaucoup de discussions dans cette Berlinale. On doit avouer, même si ce n’est pas le propos premier du film, se demander comment Dovlatov aurait été accueilli si le personnage principal avait été une femme. Une femme qui n’aurait pas été publiée, qui passerait son temps à pleurnicher pendant 2 heures sur son talent non-reconnu et qui se montre aussi désagréable avec ses proches. On aurait probablement entendu moins d’applaudissements en séance de presse. « C’est dommage qu’on ne fasse plus des hommes comme ça« , commente le réalisateur. Dommage également de subir ce genre de film réclame-prix dont la date de péremption est calée à la fin du festival où il est projeté.

par Nicolas Bardot

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