
Un jeune garçon arrive avec sa mère enseignante dans une école militaire très stricte. Très vite, il devient la cible de brimades et de harcèlement.

Cadet
Kazakhstan, 2024
De Adilkhan Yerzhanov
Durée : 2h06
Sortie : –
Note :
UN COLLÈGE FOU, FOU, FOU
Dans la très riche filmographie du cinéaste kazakhstanais Adilkhan Yerzhanov qui, ne serait-ce que ces deux dernières années, a pu aller du thriller (Assaut) au drame social (Ulbolsyn) en passant par la comédie dramatique (Yellow Cat) et le film d’action (Steppenwolf), Cadet constitue un nouveau virage. Si chacun des films que l’on vient de citer débordent des cases pour emprunter à différents genres, Cadet est essentiellement un film d’horreur. Lorsqu’on découvre le décor de ce nouveau long métrage, on se croirait revenu dans le lycée de nulle part filmé dans Assaut. L’école dans Cadet est un lieu où, dit-on, on élève l’élite. Il apparaît très rapidement qu’il s’agit avant tout d’une usine d’élevage pour brutes fachos, Yerzhanov poursuivant après Assaut sa réflexion sur le sort funeste réservé à la jeune génération par leurs aînés.
L’une des signatures du cinéma de Yerzhanov est cette récurrence de cieux spectaculaires au-dessus de ses personnages. Des cieux vivants, bleu profond et rayonnant, aux nuages dramatiques – des peintures vibrantes. Dans Cadet, rien de tout cela : le ciel est soit tout blanc, soit profondément noir – on ne peut rien y voir. Cette école dans laquelle débarque une enseignante et son fils (immédiatement harcelé car il ne correspond pas aux codes de virilité locaux) semble être quelque part dans les limbes, dans un sous-sol de l’humanité. L’image est cotonneuse, contrastant avec l’atmosphère ultra-violente. La photo est moins majestueuse que dans ses précédents longs métrages car celle-ci travaille autre chose.
La plupart du temps, les protagonistes de Cadet sont filmés en bord de cadre, laissant l’image ouverte autour d’elles et eux, traçant des diagonales dynamiques et ouvrant un décor hanté prêt à les avaler. Ce code couleurs, cette horreur qui enfle en un décor industriel, cette flaque de sang qui au mur dessine une silhouette, certains motifs du récit : Cadet évoque régulièrement le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, en particulier Kaïro et Cure. Un maître du genre, un maître aussi de la mise en scène – et celle d’Adilkhan Yerzhanov se montre également ambitieuse. On reconnaît par ailleurs l’une des touches de Yerzhanov dans son utilisation d’un humour en rupture : ici, les débordements grotesques participent à rendre le ton imprévisible.
Dans ce théâtre d’une masculinité dégénérée, les garçons sont transformés en tueurs, et en monstres. C’est l’un des sujet de ce récit surnaturel ; c’est, comme tout bon film d’horreur, un sujet parfaitement réaliste. Dans cet univers blafard, ce sont les fantômes du passé qui sont convoqués – ici de vieux spectres soviétiques qui rôdent dans le monde d’aujourd’hui. C’est une fantaisie très sombre comme un épisode d’X-Files (on croit voir surgir la tête grimaçante du générique de la série sur une photo dans le long métrage), c’est aussi une chronique du « Mal devenu la norme ». Adilkhan Yerzhanov signe un film dense, intense et généreux, incarné de manière aussi périlleuse que réussie par son casting – notamment Anna Starchenko dont la performance au bord de la rupture évoque parfois Shelley Duvall.
| Suivez Le Polyester sur Bluesky, Facebook et Instagram ! |
par Nicolas Bardot