Mostra de Venise | Critique : Boomerang

Fatiguée de son mariage avec Behzad, Sima cherche dans son dos un nouveau foyer pour elle et sa fille Minoo. Pendant ce temps, Behzad organise une rencontre « fortuite » avec son ex-petite amie, dans l’espoir de raviver leur intimité, et cherche également en vain une espèce rare de hibou.

Boomerang
Iran, 2024
De Shahab Fotouhi

Durée : 1h23

Sortie : –

Note :

SOUS LE CIEL DE TÉHÉRAN

C’est à un passage piétons que se rencontrent deux des protagonistes de Boomerang, premier long métrage de l’Iranien Shahab Fotouhi. Une rencontre muette, comme si les deux jeunes gens se connaissaient déjà. Fotouhi filme leur tendre complicité, les considérations sur la poésie, les conversations venues de nulle part (« T’as déjà vu un mort de près ? ») tandis qu’autour d’elle et lui, dans un parc, se dressent d’imposantes statues aux visages forcément sévères. Est-ce en réaction à la liberté dont semblent jouir ces jeunes adultes ? On a en tout cas le sentiment de ne pas avoir croisé tant de fois des personnages comme Keyvan et Minoo (interprétée par Yas Farkhondeh, découverte dans le court Orthodontics de Mohammadreza Mayghani).

Dévoilé en compétition Giornate Degli Autori à la Mostra de Venise, Boomerang offre en effet une image différente de l’Iran que l’on peut voir habituellement au cinéma. Dans une cinématographie où, par la force des choses, beaucoup de récits se déroulent dans des espaces privés et où l’espace public est souvent parcouru en voiture (une capsule où les personnages peuvent s’exprimer), Boomerang ouvre – si l’on peut dire – la portière du cinéma iranien. Hommes et femmes marchent librement à l’extérieur ; le temps d’un panoramique, la caméra les inscrit régulièrement dans la ville. Un plan va même plus loin : la caméra part des protagonistes, s’échappe vers la ville et montre les montagnes aux alentours. Des micro-événements personnels à une ample nature qui est là depuis toujours, Fotouhi relie l’anecdote à tout un univers.

Ainsi, Boomerang change de protagonistes et compose une mosaïque d’âges et de points de vue. On raconte un amour naissant ou un amour déclinant. On contemple ce qui est possible, ce qui appartient au passé, avec une rafraîchissante liberté de ton. Une discussion en voiture est suivie par un plan de trafic bondé : les soucis de quelques habitant.es semblent être communs à toutes et tous. Outre son talent pour mettre en scène la ville, Shahab Fotouhi filme la nuit comme un autre possible espace d’émancipation : la nuit dans la rue, dans un arbre, dans un petit restaurant ou celle d’une coupure d’électricité offrant aux personnage une parenthèse qui ne fait pas vraiment partie de la vie. Si le long métrage nous semble de temps à autre trop bavard, il parvient à faire le portrait assez touchant du désir de changer le monde ; désir qui revient, tel un ressac, à chaque génération.

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par Nicolas Bardot

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