Critique : Bird

À 12 ans, Bailey vit avec son frère Hunter et son père Bug, qui les élève seul dans un squat au nord du Kent. Bug n’a pas beaucoup de temps à leur consacrer et Bailey, qui approche de la puberté, cherche de l’attention et de l’aventure ailleurs.

Bird
Royaume-Uni, 2024
De Andrea Arnold

Durée : 1h58

Sortie : 01/01/2025

Note :

VOUS, LES OISEAUX MAGIQUES

A posteriori, Bird sera peut-être considéré comme un film charnière de la très brillante carrière d’Andrea Arnold. Plus exactement, cet étonnant long métrage possède de quoi mettre enfin les points sur les i et dissiper le malentendu qui a pu affecter les premiers longs métrages de la cinéaste en la reliant trop fidèlement à un héritage de cinéma social typiquement britannique. Red Road ou Fish Tank, ses premiers longs métrages, s’inscrivaient en effet avec talent dans cette tradition cinématographique aux personnages de rebelles défavorisés, mais ils possédaient aussi déjà les germes d’une personnalité unique, un chaos chaleureux qui dépassaient du cadre établi.

Il y a peut-être un parallèle à faire entre Arnold et Lucrecia Martel, qui dut elle aussi attendre quelques années et signer des œuvres radicales pour enfin se débarrasser de l’étiquette de « cinéaste politique de la crise sociale argentine » que ses premiers films lui mirent sur le dos. La filmographie d’Arnold possède bien sûr une dimension politique, mais c’est avant tout une œuvre de flamboyante poésie et Bird le prouve en décollant du réel plus encore que d’habitude. A ce titre, c’est peut-être son film le plus clivant, mais c’est aussi le plus imprévisible et émouvant.

Rien n’a pourtant l’air d’avoir changé dans l’univers de la réalisatrice, sauf à y regarder de plus près. La jeune héroïne vit dans un squat et doit traverser des terrains vagues moches pour se rendre en ville, et pourtant tout semble s’adresser directement à elle dans cet environnement. A défaut d’avoir l’air enchantée, la nature est active, portée par un vent venu d’on ne sait où et dont le souffle balaie la végétation alentours. Le moindre graffiti semble receler des conseils et messages secrets comme les mystérieuses consignes d’Alice aux pays des merveilles. Quant à ces quartiers pauvres et déserts, ils évoquent moins un reportage télé qu’un décor de fable post-apocalyptique. Rien que par sa puissante mise en image (caméra mobile, cadre vibrant, image rayonnante), Arnold suggère que dans ce décor-là, tout pourrait bien arriver.

Au début de ce récit d’apprentissage, la jeune Bailey est coincée entre deux figures masculine imparfaites portées par deux excellents acteurs : Barry Keoghan en vieil ado irresponsable et Franz Rogowski en marginal tendre à moitié fou. L’horizon n’a rien de radieux pour cette préado en mal d’aventures. Pas étonnant, dès lors, que la porte de sortie qui s’offre à elle vienne d’en haut, des oiseaux qui volent au-dessus de sa tête. Sans en révéler trop, Bird utilise les figures et la structure d’un conte, avec ce que cela implique de merveilles, de saut de foi et de candeur (ce qui n’est pas du tout la même chose que la naïveté). Le résultat donne régulièrement l’impression décoiffante que le volume des sentiments des personnages a été poussé très fort. Il faut du culot et du talent pour parvenir à doser de tels élans magiques. Andrea Arnold ne manque ni de l’un ni de l’autre, son nouveau film le prouve avec flamboyance.

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par Gregory Coutaut

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