Festival Entrevues Belfort | Critique : Berman’s March

Charlie, jeune homme solitaire et sans attaches, travaille sur des chantiers. Il entreprend un voyage de plusieurs jours en voiture afin de retrouver des amis dans une cabane en forêt. Son chemin croise celui des individus qui peuplent les autoroutes et terrains de camping d’une Amérique en mutation. Lorsqu’enfin il rejoint ses amis, il les trouve un peu changés, eux aussi.

Berman’s March
Etats-Unis, 2023
De Joshua Pikovsky et Jordan Tetewsky

Durée : 1h11

Sortie : –

Note :

LE VOYAGE ORDINAIRE

Ce pourrait être le point de départ d’un film d’horreur : un jeune homme nommé Charlie est invité par des anciennes connaissances à les rejoindre dans leur maison, située au cœur des bois. Il s’embarque alors à bord de sa voiture vers une destination inconnue. Mais le doux voile de l’image dans Berman’s March apporte une toute autre sensibilité et rapidement, on se questionne sur cet endroit mystérieux où peut se trouver l’âme. Quelque part derrière le foie, dit-on ? Le héros du film devrait-il alors boire davantage d’eau ?

Les Américains Joshua Pikovsky et Jordan Tetewsky signent leur second long métrage et reviennent en compétition au Festival Enrevues Belfort après Hannah Ha Ha. Ils s’intéressent à nouveau aux marges de la société, aux personnes un peu paumées que le protagoniste (lui-même un ouvrier un peu loser) croise sur la route ou à la station service, tandis que l’autoradio diffuse sa grésillante mélopée. Des rencontres banales, quelques hurluberlus, mais le film a le bon goût de ne pas jouer la carte du pittoresque. Pikovsky et Tetewsky font preuve d’une générosité sans mièvrerie et le film est largement servi, tant dans son écriture que sa mise en scène, par sa simplicité.

C’est un film sur les perdants, c’est aussi un film sur les gagnants. Les camarades du héros, visiblement perdus de vue depuis quelque temps, font assurément partie du second clan. Ils sont plus fortunés, effectuent des voyages « en Europe » sans avoir à préciser davantage leur destination et peuvent faire dormir leur invité dehors sans éprouver de remord. Le film dépeint de manière convaincante cette violence sociale ouatée, ces touches de suspicion et de mesquinerie. Charlie se retrouve spectateur de discussions qui lui sont étrangères, mais le film n’a pas pour but de prendre ses personnages de haut. Berman’s March ne délivre pas de grande leçon et déjoue plutôt habilement les clichés du bienfaisant retour à la nature.

Lors de son trajet, Charlie croise des panneaux avec des slogans politiques, des encouragements ponctués de point d’exclamation. Mais le jeune homme avance, sans trop savoir comment les autres font. Cette épure douce-amère et cette sensibilité de journal intime font de ce voyage de poche une touchante expérience.

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par Nicolas Bardot

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