Dans les airs flotte une sphère lumineuse composée de milliers de carrés de papier multicolores. Balomania est la chronique d’une pratique clandestine à la logistique complexe, se tramant entre le sol et le ciel brésilien : la fabrication, le lancement et la chasse aux ballons à air chaud. Des évasions éphémères, délicates, comme l’auto-détermination qu’elles incarnent.
Balomania
Danemark, 2024
De Sissel Morell Dargis
Durée : 1h33
Sortie : –
Note :
LIBÉREZ LES BALLONS
Le point de départ farfelu de Balomania ressemble à un cadavre exquis : une réalisatrice danoise s’est immergée dans une communauté brésilienne passionnée par les concours (clandestins) de montgolfières. Le travail sur les échelles effectué par Sissel Morell Dargis est tel qu’il est difficile de comprendre, lors des premiers plans, où nous nous situons dans cette vertigineuse architecture. Des montgolfières spectaculaires à l’effigie de Rocky Balboa, Maître Miyagi ou Luciano Pavarotti s’élèvent dans les airs, emportant avec elles mille et une lumières scintillant dans le ciel. Tout le monde, dans le film et dans la salle, regarde tout là-haut et le pouvoir d’émerveillement est indubitable.
Mais une fois qu’on se retrouve sur terre, des questions se posent. D’où sort cette passion qui dit-on serait issue d’une tradition religieuse de plusieurs centaines d’années ? Pourquoi prendre le risque d’être poursuivi par la police, et même de finir en prison, simplement pour lancer des ballons ? Qu’est-ce qui pousse la police à criminaliser autant une pratique qui paraît futile par rapport aux méfaits auxquels sont confrontés les protagonistes dans leur vie de tous les jours ? Il y a parfois une certaine frustration dans Balomania à ce que certaines interrogations ne soient pas si explorées que ça, mais voilà qui nourrit en contrepartie l’absence de sens dans le long métrage : le geste que filme Sissel Morell Dargis est absurdement poétique.
La cinéaste ne romantise pas totalement ses personnages pour autant. Si c’est certes une scène de comédie, le témoignage d’une épouse évoquant son mari démissionnaire qui ne semble pas être concerné par la santé de ses propres gosses a quelque chose d’assez cinglant. « J’ai battu un mec presque à mort » confesse un personnage, simplement parce qu’il ne lui a pas donné la bonne adresse d’un lancer de ballon. Cette communauté, qui semble exclusivement masculine, ressemble autant à une société secrète qu’à un club de bros qui n’est visiblement pas si ouvert que cela. Le regard de Sissel Morell Dargis n’est néanmoins pas à charge ; elle sait avec tendresse faire le portrait d’hommes qui, pour éviter la dépression ou ne pas défoncer le distributeur de billets du coin, lancent des montgolfière dans les nuages.
La conception de ces vaisseaux est minutieuse, et il faut parfois être cinquante pour mener l’opération jusqu’au bout. « On n’a jamais vu ça », espère t-on en imaginant le prochain challenge aérien. C’est aussi la fragilité de ce rêve étrange qui rend cette entreprise poétique : un long travail risqué peut partir en cendres en quelques secondes – même si cela donne lieu à une superbe catastrophe dans le ciel. On parlait du travail sur les échelles opéré par la réalisatrice, on retrouve celui-ci dans le témoignage émouvant d’un des protagonistes attachants de ce long métrage, qui raconte sa petite vie écrasée au sol, le réveil à 4h40 pour faire un job sans aucun sens, alors que son esprit est occupé par des ballons géants lançant des explosifs dans l’immensité des cieux.
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par Nicolas Bardot