Festival de Cannes | Critique : Annette

De nos jours à Los Angeles, Annette raconte l’histoire d’Henry, un comédien de stand-up à l’humour féroce, et d’Ann, une cantatrice de renommée internationale. Sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

Annette
France, 2021
De Leos Carax

Durée :

Sortie : 06/07/2021

Note :

L’ANGE DES MAUDITS

Leos Carax confie avoir imaginé Les Amants du Pont-Neuf comme une comédie musicale. Le genre s’est invité lors d’un instant suspendu de Holy Motors, à travers la prestation de Kylie Minogue. Annette est finalement une pure comédie musicale, où l’on chante bien sûr mais où l’on parle et s’exprime aussi en chantant. Lors des tout premiers instants du film, ce qu’on voit à l’image est une pure expression des sons, des instruments qui s’accordent, des premières notes – et le rideau se lève avec une première chanson comme une profession de foi. Comme dans l’expérience de Holy Motors, l’émotion chez Carax cherche le chemin le plus court, le plus direct : la chanson ou la poésie plutôt que l’émotion véhiculée par une narration conventionnelle.

Il y a pourtant un récit plus facilement identifiable dans Annette que dans Holy Motors. C’est peut-être, à nos yeux, le problème. Le geste poétique de Holy Motors était vertigineux et absolument fascinant précisément parce que le film n’avait que quelques touches narratives, et qu’il laissait place aux vides, à la respiration, aux silences, aux questions. Annette est beaucoup plus rempli, il est régulièrement traversé de fulgurances, mais il est aussi très souvent assommant, comme si la poésie du précédent long métrage de Carax était lestée de plein de petits poids.

Ces poids viennent peut-être d’un scénario plus laborieux, ou plutôt de figures épuisées comme celles du sempiternel loser magnifique, un artiste maudit qui baigne globalement dans les clichés. Adam Driver, charismatique mais monolithique, ne donne lui non plus pas beaucoup de respiration au film. De plus, si la notion de réalisme est assez abstraite chez Carax, on peine à trouver crédible qu’un personnage de comique minable et médicamenté soit ici interprété par un acteur bodybuildé qui semble plutôt sortir d’un tournage de blockbuster.

Le film est visuellement inventif et inspiré. Ce flux d’images est étourdissant, mariant des tonalités surprenantes (une scène magnifique, sur une terre infernale au bord de l’eau, semble tenir autant de L’Au-delà de Lucio Fulci que de L’Enfer de Nobuo Nakagawa). Carax sait utiliser les artifices, et ça ne semble d’ailleurs pas être un hasard si l’élément qui suscite le plus d’émotions dans le film n’est pas un être humain mais une marionnette. Mais malgré le panache, malgré la dimension intime de l’histoire (où Driver semble se transformer en Carax), Annette serre et appuie trop fort – qui trop embrasse…

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par Nicolas Bardot

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