Cléo a tout juste six ans. Elle aime follement Gloria, sa nounou qui l’élève depuis sa naissance. Mais Gloria doit retourner d’urgence au Cap-Vert, auprès de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse: la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble.
Àma Gloria
France, 2023
De Marie Amachoukeli
Durée : 1h24
Sortie : 30/08/2023
Note :
LA PRUNELLE DE MES YEUX
Remarquée avec ses courts métrages Forbach (couronné à Clermont-Ferrand) et C’est gratuit pour les filles (césarisé en 2010), Marie Amachoukeli a reçu avec ses co-cinéastes récurrents Claire Burger et Samuel Theis la Caméra d’or pour Party Girl en 2014. Neuf ans plus tard, Amachoukeli est de retour mais en solo cette fois, avec Àma Gloria, présenté en ouverture de la Semaine de la Critique. Àma Gloria est le récit d’une fillette et de l’amour absolu qui l’unit à sa nounou. L’histoire est vue à travers ses jeunes yeux, et la métaphore du regard est nette dès le début du film : l’héroïne est examinée par son ophtalmologue.
Mes yeux dans ton regard : c’est un vieux tube chanté par Nilda Fernandez et qu’on entend à deux reprises dans le long métrage. Qu’y a-t-il dans le regard de la petite Cléo, 6 ans, mais aussi dans celui de Gloria, qui l’élève depuis toujours ? C’est tout l’enjeu du long métrage qui dépeint ce que les autres ne peuvent pas voir. A l’héroïne plus grande que nature de Party Girl succèdent deux personnages plus discrets – mais animés par des émotions aussi intenses. En racontant l’amour réciproque d’une fillette pour sa nounou, comparable à celui d’une enfant pour sa propre mère, Amachoukeli redistribue les rôles familiaux. Qui, dans Àma Gloria, est une mère pour qui ? Qui est une fille pour qui ? En creux, c’est aussi un rapport de force et une situation économique que la cinéaste souligne, avec cette femme du Cap-Vert qui a dû laisser ses propres enfants derrière elle pour gagner sa vie en élevant un enfant qui n’est pas le sien.
Lors de belles séquences animées, les images dessinées viennent prendre le relai des prises de vues réelles. C’est aussi le relai émotionnel de ce qui est indicible – ces passages animés peuvent montrer des visages effacés, mais aussi des volcans prêts à entrer en éruption. Ce mélange inattendu a été inspiré à la cinéaste par Mary Poppins – un autre type de nounou merveilleuse. Le film parvient néanmoins à trouver un ton juste où la bienveillance et la tendresse ne sont pas trop naïves. Cela vient aussi de la qualité d’interprétation, notamment la jeune Louise Mauroy-Panzani, extrêmement convaincante dans le rôle principal.
Dans sa partie capverdienne, en changeant de langue et de décor, le film parvient à déjouer ce qu’on pourrait attendre d’un récit franco-français. Malgré ses grands voyages et ses grands sentiments, le film reste modeste, parfois un peu petit. On pense de temps à autre, en comparaison, au tourbillon d’émotions dans lequel nous prenait John John de Brillante Mendoza, où les derniers moments d’une nounou avec un enfant étaient racontés du point de vue de l’adulte. Mais Àma Gloria, très librement basé sur une expérience personnelle (le film est dédié à la concierge portugaise qui s’est occupée de la cinéaste enfant), possède son propre charme et une vraie qualité chaleureuse.
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par Nicolas Bardot