Festival Chéries-Chéris | Critique : Tout ira bien

Angie et Pat vivent le parfait amour à Hong Kong depuis plus de 30 ans. Jamais l’une sans l’autre, leur duo est un pilier pour leurs parents et leurs amis. Au brusque décès de Pat, la place de Angie dans la famille se retrouve fortement remise en question…

Tout ira bien
Hong Kong, 2024
De Ray Yeung

Durée : 1h33

Sortie : 01/01/2025

Note :

SANS FAMILLE

Tout ira bien s’ouvre dans des intérieurs bourgeois et cosy et l’on devine assez vite que la vie d’Angie et Pat est parfaitement confortable. Le Hong Kongais Ray Yeung filme des scènes simples de leur agréable quotidien : un achat (sans compter) chez le fleuriste du coin, un délicieux petit déjeuner, la cuisine avant un chaleureux repas familial. All Shall Be Well – tout va bien se passer, donc. Mais un drame va frapper la vie de tous les jours de ce couple lesbien : Pat meurt subitement.

Dans son précédent long métrage Un printemps à Hong Kong, Ray Yeung posait cette intéressante question : comment trouve t-on sa place au sein de la société lorsqu’on est encore dans le placard non pas à l’adolescence mais à soixante ans passés ? Dans Tout ira bien, Yeung s’intéresse à nouveau à un type de personnages qu’on voit peu dans le cinéma queer (globalement : des personnes de plus de 50 ans) et c’est déjà là l’une des qualités du long métrage. La question de la place et de la légitimité dans ce nouveau film est différente car Angie n’est certainement pas dans le placard, et son homosexualité semble accueillie comme un non-événement par son entourage aimant. Mais quand Pat disparaît et que les questions d’héritage entrent en jeu – est-ce que tout va bien se passer, vraiment ?

Avec une tendresse parfois proche d’une certaine naïveté, Ray Yeung compose des personnages attachants. Mais peu à peu l’amertume se révèle, à mesure que la voix d’Angie est méprisée. Pour la famille de la défunte Pat, Angie est-elle réellement une belle-sœur et une tante, ou une simple +1 ? La bienséance familiale, les règles à la banque et l’obéissance à la loi sonnent chez Yeung comme autant d’outils d’oppression. Plus que d’un système homophobe, Tout ira bien traite surtout du paternalisme hétéro où la voix de l’épouse lesbienne ne compte qu’à moitié face à ce qui est considéré comme la vraie famille.

Le regard généreux de Ray Yeung n’empêche pas de dépeindre la violence et la mesquinerie familiales. L’actrice Patra Au apporte beaucoup de relief à son personnage en n’essayant pas de rendre plus lisse l’héroïne qu’elle incarne : Angie n’a pas besoin d’être une femme parfaite et une victime éplorée pour être respectée. Le cinéaste trouve le bon point de vue, comme lorsqu’il élargit le cadre en invitant la famille choisie. Ou, au contraire, lorsqu’il le resserre sur ce couple, sur sa précieuse solitude là aussi choisie, dans un émouvant dénouement.

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par Nicolas Bardot

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