Festival de Rotterdam | Critique : 78 Days

Après que leur père a été enrôlé lors du bombardement de la Serbie par l’OTAN en 1999, trois sœurs commencent un journal vidéo dans leur maison de campagne.

78 Days
Serbie, 2024
De Emilija Gašić

Durée : 1h22

Sortie : –

Note :

COMME A LA MAISON

Serbie, 1999. Trois fillettes grandissent tranquillement auprès de leurs parents dans une maison de campagne. Leur vie s’écoule comme celle de n’importe quel enfant ou jeune adolescent : les repas de famille, les jeux où l’on finit par s’engueuler sans trop y croire, les bouderies dans la chambre. Et ce ne sont pas les alarmes qui retentissent de temps en temps dans le voisinage qui vont empêcher ces trois sœurs de se chamailler gentiment. Du moins pas tout de suite, car un jour papa est réquisitionné par l’armée serbe.

Pour quelles raisons et pour combien de temps ? Ces questions ne sont pas évoquées devant les jeunes héroïnes qui voient surtout là l’occasion d’une nouveau jeu : réaliser un journal intime filmé que papa pourra visionner à son retour. Accessible et rondement mené, 78 Days est donc un récit d’apprentissage à hauteur d’enfant et en temps de guerre tel qu’on en a déjà entendu, qui ne se distinguerait peut-être pas tout de suite du tout-venant si la réalisatrice serbe Emilija Gašić ne faisait pas un pari de mise en scène fort étonnant.

78 Days débute par un écran noir et des bruits de VHS. Des images à gros grain apparaissent alors, avec la date d’époque incrustée à l’écran : 1999. Nous sommes directement plongés dans le journal filmé de cette famille, sauf que celle-ci n’existe pas. En effet, 78 Days ressemble à s’y méprendre à un documentaire, à un vrai film de famille, et pourtant c’est une fiction. Emilija Gašić ne se contente pas d’une reconstitution historique qui passerait par des vêtements d’époque ou des posters de Garbage et No Doubt dans les chambres. C’est l’image-même du film qui a l’air de sortir d’une capsule temporelle.

L’illusion est parfaite, saisissante et immersive au point qu’on ne cesse d’oublier que celles et ceux que l’on voit à l’écran sont des interprètes. 78 Days n’est pas pourtant un vain exercice de style. Les images de la Serbie ont bel et bien fait le tour des journaux télés dans les années 90, mais il s’agissait exclusivement d’images dramatiques, justement dénuées de dimension humaine. Un peu comme la réalisatrice germano-kurde Ayşe Polat dans In the Blind Spot, Emilija Gašić s’approprie le found footage (une manière de faire quasi-exclusivement utilisée dans le cinéma de genre) pour lui donner une tension plus réaliste et un poids politique.

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par Gregory Coutaut

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