Critique : Chili 1976

Chili, 1976. Trois ans après le coup d’État de Pinochet, Carmen part superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. Son mari, ses enfants et petits-enfants vont et viennent pendant les vacances d’hiver. Lorsque le prêtre lui demande de s’occuper d’un jeune qu’il héberge en secret, Carmen se retrouve en terre inconnue, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est habituée.

Chili 1976
Chili, 2022
De Manuela Martelli

Durée : 1h35

Sortie : 22/03/2023

Note :

SOLEIL TROMPEUR

Épouse et maitresse de maison discrète, l’élégante Carmen a un coucher de soleil en tête. Elle se trouve dans une droguerie, et elle essaie de faire en sorte que l’employé mélange les bonnes nuances de peinture pour qu’elle puisse enfin repeindre son intérieur de la nuance chaleureuse de ses rêves. Autour d’elle, l’atmosphère n’est pourtant pas aux tequila sunrise. Les couleurs désaturées de l’image évoquent l’atmosphère lourde du régime politique du Chili de l’époque, où tout le monde doit faire profil bas, même les bourgeoises. Tandis que le rose et le bleu se mélangent sous les yeux de Carmen, un attentat a peut-être lieu dans la rue. Ces cris, elle fait semblant de ne pas les entendre. Dans les recoins de son foyer aux murs bientôt repeints, elle cache pourtant un secret : un jeune révolutionnaire blessé et alité au sous-sol.

Premier long métrage de la réalisatrice et actrice chilienne Manuela Martelli (lire notre entretien), Chili 1976 semble porter le poids de son titre-note d’intention et manquer d’air sous la d’une reconstitution historique soignée mais quelque peu envahissante. C’est que Carmen étouffe aussi, en dépit des compliments que lui font ses invités (« vous êtes une belle personne ») et les personnes non-voyantes à qui elle fait parfois la lecture – un symbole peut-être un peu lisible. Chili 1976 commence doucement, mais c’est un slow burner dont la personnalité se dévoile progressivement et sûrement, a l’image de cette étonnante bande-son anachronique, évoquant presque le cinéma fantastique.

Martelli fait preuve d’un talent d’écriture subtil. Son scénario au regard nuancé et contemporain est trop malin pour mettre sur un même plan les tergiversations morales d’une femme aisée et la dictature recouvrant tout un pays, ou pour faire passer les malheurs de son héroïne avant ceux du dissident ayant risqué sa vie (ou pire encore, transformer leur relation en romance toc). « Nous autres Chiliens avons un pays bien triste » évoque l’un des personnages. Ce portrait du Chili, Chili 1976 le brosse avec à chaque séquence davantage de nuances. Brillant, le résultat n’a pas la naïveté d’un lever de soleil mais possède l’acuité aveuglante d’un soleil perçant.

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par Gregory Coutaut

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