Festival de Cannes 2025 : nos 15 courts métrages préférés

Quels ont été nos courts métrages favoris de cette 78e édition du Festival de Cannes ? Le Polyester est allé explorer toutes les sections, voici les 15 films que nous avons retenus.



 Dieu est timide | Jocelyn Charles (France – Semaine de la Critique)
L’histoire : Lors d’un voyage en train, Ariel et Paul s’amusent à dessiner leurs plus grandes peurs lorsque Gilda, une étrange passagère, s’invite dans leurs confidences. Son expérience de la peur ne semble néanmoins pas aussi innocente que leurs dessins.
Pourquoi on l’aime : C’est l’un des sommets de cette édition du Festival de Cannes. Avec son court métrage d’animation Dieu est timide, le Français Jocelyn Charles (lire notre entretien) compose une captivante exploration de la peur, visuellement très inspirée et d’une réjouissante imprévisibilité. Quel niveau d’imprévisibilité ? Pensez à l’iconique Danièle Evenou plongée dans des visions glaçantes et hallucinées à la Junji Ito. Vous devriez ré-entendre parler de cette merveille, présentée en compétition à la Semaine de la Critique.



 Hypersensible | Martine Frossard (Canada – Sélection officielle)
L’histoire : Hypersensible est le parcours accidenté et surréaliste d’une jeune femme qui cherche à se reconstruire, à contre-courant d’une société prompte à refouler ses émotions.
Pourquoi on l’aime : Présenté en compétition officielle, Hypersensible est un très court métrage (moins de 7 minutes) qui explore avec richesse l’intériorité de son héroïne abimée. La Canadienne Martine Frossard fait preuve d’un imaginaire florissant pour mettre en scène les sentiments de sa protagoniste dans ce film qui n’a pas besoin de mots pour s’exprimer. Dans d’élégantes couleurs éteintes, Hypersensible met en scène le deuil et ses étapes, établissant un lien précieux et intime avec la nature. En un émouvant dénouement, le film trouve peu à peu sa lumière et sa chaleur.



 +10K | Gala Hernández Lopez (Espagne – Quinzaine des Cinéastes)
L’histoire : Pol, 21 ans, rêve de vivre à Miami et de générer +10k par mois. Il assiste à des événements de développement personnel, suit des coachs en ligne et investit dans les cryptomonnaies. Il ne sait qu’une seule chose, c’est qu’un jour, il y arrivera.
Pourquoi on l’aime : Dans ce documentaire dévoilé à la Quinzaine des Cinéastes, la réalisatrice espagnole Gala Hernández Lopez fait le portrait d’un jeune homme dont le rêve est de devenir riche et qui suit même une formation pour cela. Plutôt que des posters dans une chambre de post-ado, ce sont des tableaux avec des objectifs chiffrés que l’on y trouve. Dans ce monde matérialiste, le mot rêve est répété comme une incantation. Il y a aussi effectivement quelque chose de rêveur dans l’image de Gala Hernández Lopez, tandis qu’un portrait familial se dessine. La réalisatrice déjoue les attentes du documentaire dans ce récit très contemporain qui évoque le cinéma de Virgil Vernier.



 Lili | Navid Khonsari (États-Unis – Compétition Immersive)
L’histoire : Dans une ville iranienne enveloppée de secrets, Lili, l’épouse solitaire d’un commandant de milice, orchestre un meurtre afin d’assurer l’ascension de son mari au sein d’un régime corrompu. Mais alors que cet acte brise l’ordre fragile en place, elle est attirée dans l’univers d’Hecate Web — des sorcières des temps modernes, expertes en piratage informatique…
Pourquoi on l’aime : dévoilé dans l’étonnante section Immersive dédiée aux films VR et aux installations vidéo, Lili est sans conteste l’œuvre la plus hybride vue à Cannes cette année. A la fois partie de jeu vidéo et installation multi-écrans qui se regarde en même temps sur PC et portable, cette œuvre interactive d’une demi heure nous place dans la position d’un hacker anonyme œuvrant pour la révolution iranienne et n’ayant qu’un temps limité pour récupérer des infos cruciales sur une femme nommée Lili. Un résultat ludique, tendu et inventif.



 Donne batterie | Carmen Leroi (France – Semaine de la Critique)
L’histoire : Lila accueille chez elle son amie Agathe qui vient vivre en colocation avec elle. Lila doit aussi se débarrasser d’une encombrante batterie laissée par son ex. La vendre ou la donner, la donner à qui et comment ? Agathe et Lila en débattent. Lila décide de faire un geste généreux en la donnant sur une plateforme en ligne mais ce don l’amène vers des aventures qu’elle n’aurait pas soupçonnées.
Pourquoi on l’aime : Sélectionné en compétition à la Semaine de la Critique, Donne batterie se sert d’une situation banalement absurde comme d’un efficace moteur de comédie. De ce point de départ à la fois simple et quotidien découlent des questions de morale et un véritable sac de nœuds. La Française Carmen Leroi (lire notre entretien) signe une comédie attachante qui se situe quelque part dans la galaxie d’Éric Rohmer, et dans laquelle brille la singulière personnalité de l’actrice Marie Rosselet Ruiz.



 Loynes | Dorian Jespers (Belgique – Quinzaine des Cinéastes)
L’histoire : Liverpool, au XIXe siècle, un drame judiciaire kafkaïen raconte le procès d’un cadavre qui n’a ni nom ni passé. Des dizaines de personnes se sont rassemblées pour cette cérémonie absurde.
Pourquoi on l’aime : Où sommes-nous ? Voilà la première question que l’on se pose lors des premiers instants de Loynes, dévoilé à la Quinzaine. Et ce n’est pas la seule fois que cette question va se poser. Dans Loynes, on assiste à un jugement, dans un tribunal où tout le monde semble dingue – imaginez le procès à la fin d’Alice au pays des merveilles, mais en prises de vue réelles. Réelles ? L’image étrangement cotonneuse questionne ces visions insensées. Dans ce tourbillon chaotique où personne ne sait ce qu’il fait, le Belge Dorian Jespers (lire notre entretien) filme l’Histoire et le monde comme un cercle fou où rien ne change jamais. Une vision stupéfiante qui se distingue comme l’un des meilleurs courts de l’année.



 Glasses | Joung Yumi (Corée du Sud – Semaine de la Critique)
L’histoire : Yujin casse ses lunettes et se rend chez un opticien. Pendant l’examen de vue, elle voit une maison dans un champ et s’y retrouve transportée.
Pourquoi on l’aime : Figure majeure de l’animation mondiale, la Coréenne Joung Yumi (lire notre entretien) se distingue par ses films aussi simples qu’énigmatiques, aussi épurés que vertigineux, tels que House of ExistenceThe Waves et Circle. Elle a présenté en compétition à la Semaine de la Critique l’un des chefs d’œuvre de ce Festival de Cannes : le court d’animation Glasses. Minimaliste et détaillé, habité par un magnétique sentiment d’inquiétude, Glasses est d’un bouleversant surréalisme. Comment se plonger en soi, et comment se consoler ? La réalisatrice apporte une réponse éminemment poétique dans ce bijou.



 Before the Sea Forgets | Ngọc Duy Lê (Singapour – Quinzaine des Cinéastes)
L’histoire : Sur la péninsule de Da Nang, où résonnent encore les échos de la guerre, un couple de touristes gays part à la recherche de la tombe oubliée d’un soldat vietnamien, dans l’ombre d’un mystérieux groupe de skateurs traçant leur propre chemin.
Pourquoi on l’aime : Dans cette production singapourienne sélectionnée à la Quinzaine des Cinéastes, le Vietnamien Ngoc Duy Lê met en scène la quiétude de quelques jeux entre hommes. Derrière les caresses et la douceur, il y a l’ombre de l’Histoire qui peu à peu se dessine. Les fantômes peuvent surgir dans leur berceau : celui d’une nature luxuriante, mise en scène de manière sensorielle et immersive par le cinéaste. Celui-ci raconte le passé et ses traces mêlés à un présent vibrant dans ce film séduisant et poétique.



 La Mort du poisson | Eva Lusbaronian (France – Quinzaine des Cinéastes)
L’histoire : Une fille cherche à éviter que sa mère ne se noie dans la dépression, suite à la mort d’un poisson.
Pourquoi on l’aime : Avec ambition et minimalisme, Eva Lusbaronian (lire notre entretien) met en scène la tristesse, l’inquiétude, le mystère et le non-dit dans ce beau court métrage sur la dépression et la difficulté d’aider, dévoilé à la Quinzaine des Cinéastes. Au cœur d’une nature expressive, la cinéaste se sert avec une grâce captivante de la danse comme moyen d’expression secret et codé. Une beauté sensible et troublante, traversée par un émouvant rayonnement intime.



 L’mina | Randa Maroufi (Maroc – Semaine de la Critique)
L’histoire : Jerada est une ville minière au Maroc où l’exploitation du charbon, bien que officiellement arrêtée en 2001, se poursuit de manière informelle jusqu’à aujourd’hui.
Pourquoi on l’aime : L’mina a été couronné par le Prix Découverte en compétition à la Semaine de la Critique. La réalisatrice marocaine Randa Maroufi propose une audacieuse écriture documentaire dans ce très singulier court métrage qui mêle en un enrichissant dialogue films Super 8, maquettes et reconstitutions. Maroufi filme de manière bluffante une immersion au cœur d’une mine, et trouve avec personnalité la meilleure perspective pour mettre en scène le réel. L’mina est un film d’une ambition gratifiante, qui possède une puissante résonance politique tout en posant de très bonnes questions de cinéma.



 Samba Infinito | Leonardo Martinelli (Brésil – Semaine de la Critique)
L’histoire : Pendant le Carnaval de Rio, un agent de propreté de la voirie est confronté au deuil de sa sœur tout en assumant ses obligations professionnelles. Au milieu des festivités, il trouve un enfant égaré qu’il décide d’aider.
Pourquoi on l’aime : On avait déjà pu repérer le talent prometteur du Brésilien Leonardo Martinelli (lire notre entretien) avec ses superbes courts métrages Fantasma Neon et Pássaro Memória. Le cinéaste était sélectionné en compétition à la Semaine de la Critique avec Samba Infinito. Samba Infinito est un film flamboyant, avec un espace onirique et chaleureux qui s’ouvre dans le drame social, et où la mémoire est mise en scène avec poésie. Le cinéaste possède ce talent particulier pour se frayer un chemin parmi les artifices (comme son utilisation remarquable des couleurs et de la lumière) et toucher au cœur-même de ses protagonistes.



 A solidão dos lagartos | Inês Nunes (Portugal – Sélection officielle)
L’histoire : Dans un spa entouré de montagnes de sel, les clients se détendent pendant que des ouvriers récoltent les cristaux brillants au soleil. À la nuit tombée, l’espace se transforme, façonné par les désirs de ses visiteurs.
Pourquoi on l’aime : L’heure est à la bronzette et à la détente. Mais quelque chose de plus semble se tramer dans le décor singulier d’A solidão dos lagartos, réalisé par la Portugaise Inês Nunes. Dévoilé en compétition officielle, ce court métrage explore une indicible étrangeté qui passe notamment par la manière de filmer les corps et la peau. Les transitions et superpositions poétiques laissent de plus en plus de place à la bizarrerie dans ce film hypnotisant où les nuits se retrouvent baignées de couleurs. Une expérience envoûtante mise en scène avec caractère.



 Une fugue | Agnès Patron (France – Semaine de la Critique)
L’histoire : De Frère, Sœur se souvient qu’il avait les yeux noirs, des cheveux semblables aux siens, des épaules fines comme les ailes d’un oiseau et qu’il connaissait par cœur le chemin de la rivière. De Frère, Sœur n’a rien oublié.
Pourquoi on l’aime : Remarquée notamment avec son court métrage d’animation L’Heure de l’ours, césarisé en 2021, la réalisatrice française Agnès Patron a été sélectionnée en séance spéciale à la Semaine de la Critique avec ce nouveau film. Dans la quiétude nocturne, une maison au cœur des bois. La réalisatrice traite avec sensibilité du temps, du souvenir, de la proximité de l’enfance, dans un film où tristesse et douceur se mêlent avec une grande délicatesse.



 Erogenesis | Xandra Popescu (Allemagne – Semaine de la Critique)
L’histoire : À la suite d’un mystérieux désastre, les rares humains survivants se retrouvent incapables de perpétuer l’espèce. Tout espoir repose sur cinq femmes qui ont mis au point une technologie capable de créer la vie humaine en dehors du corps…
Pourquoi on l’aime : Déjà très remarquée l’an passé avec son ambitieux On the Impossibility of an Homage qui figurait dans notre dossier des meilleurs courts métrages de 2024, la Roumaine Xandra Popescu (lire notre entretien) fait son retour avec Erogenesis, en compétition à la Semaine de la Critique. Après un documentaire qui revient sur la carrière d’un danseur de ballet, Popescu signe un très surprenant film de science-fiction qui se déroule dans un futur proche. Empruntant aux codes du conte de fées, visuellement brillant, Erogenesis raconte une humanité incapable de perpétuer l’espèce. Comment enfanter autrement, et surtout comment trouver le plaisir ? La cinéaste lance d’étonnantes pistes dans ce récit libre et original.



 Alișveriș | Vasile Todinca (Roumanie – Semaine de la Critique)
L’histoire : Au chômage, Tatiana passe ses journées à vendre ses biens personnels pour survivre. Aujourd’hui, une importante échéance l’attend, elle pourrait être contrainte à vendre une partie de son corps pour garder un toit au-dessus de sa tête.
Pourquoi on l’aime : Le Roumain Vasile Todinca (lire notre entretien) cite Charlie Chaplin : « La vie est une tragédie en gros plan et une comédie en plan large ». Drame comique et comédie dramatique, ce film est un récit social plongé dans la laideur de la ville, théâtre de vulgarité et de bêtise défigurée par le capitalisme. Absurde et féroce, pathétique et fantaisiste, Alișveriș évoque avec une réjouissante malice le cinéma joyeusement mal élevé de son compatriote Radu Jude.


Nicolas Bardot

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