Festival des 3 Continents | Critique : Nocturnes

Au cœur des denses forêts de l’Est de l’Himalaya, une jeune scientifique étudie les papillons de nuit.

Nocturnes
Inde, 2024
De Anirban Dutta & Anupama Srinivasan

Durée : 1h19

Sortie : –

Note :

PAPILLONS DE LUMIÈRE

Les papillons auxquels s’intéresse ce documentaire indien tourné en immersion dans les forêts de l’Himalaya sont exclusivement des papillons de nuit. Le titre original, Nocturnes, donne certes déjà un indice aux spectateurs francophones, mais dans son anglais d’origine le mot nocturne est avant tout un terme musical désignant des morceaux de musiques classiques à la placidité riche en mélancolie et contemplation. De fait, le film s’ouvre sur des bruissements d’ailes si légers et étranges qu’on les croirait issus d’un instrument de musique oublié. Nocturnes se déroule quasi-intégralement dans une nuit noire qui invisibilise les paysages naturels alentours, mais le remarquable travail sonore offre à lui tout seul un dépaysement de taille. En choisissant ce titre, les cinéastes Anirban Dutta et Anupama Srinivasan ont donc pris une piste moins terre à terre qu’il n’y paraît, mettant en exergue la dimension musicale et poétique de leur sujet animalier.

Mais quel est finalement le sujet exact de Nocturnes ? Le film possède bien entendu en filigrane la dimension écologique de tout reportage sur la nature, même si la question du dérèglement n’est ici abordée directement que dans les ultimes minutes du dénouement (telle une conclusion écrite en précipitation pour venir recentrer une rédaction). L’animal que l’ont voit le plus dans Nocturnes est en réalité un être humain, une scientifique nommée Mansi accompagnée de son assistant. Rien ne nous est dit sur elle, à chaque fois qu’elle parle c’est uniquement pour évoquer les papillons avec une objectivité peu encline à la rêverie, et pourtant la caméra ne filme que son obsession. Nuit après nuit, elle recompose le même rituel dans l’espoir souvent vain d’attirer à elle une sous-espèce bien précise. Volontairement prise dans une boucle d’attente à la Godot, elle en deviendrait presque une présence plus mystérieuse encore que ces insectes invisibles du bout du monde.

Heureusement, tout n’est pas invisible dans Nocturnes, au contraire. Le rituel scientifique de Mansi consiste à tendre à flanc de montagne une grande toile lumineuse et à attendre que des papillons désorientés viennent s’y poser. Chaque soir, la toile blanche s’anime de lumières et de mouvements, tel un écran de cinéma. Insectes ailés de toute taille, aux formes et aux couleurs étonnantes, viennent placidement s’y poser et composer ainsi une gigantesque planche vivante, visible depuis très loin. Si la structure de ce documentaire n’échappe pas toujours aux répétitions, le pouvoir de fascination de ses images tisse une symphonie de poche qui hypnotise.

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par Gregory Coutaut

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