Festival Visions du Réel | Critique : Billy

Billy, féru de cinéma, se film non-stop. Lors d’un tournage, il rencontre Lawrence et les deux deviennent ami·e·s. Un soir, il l’agresse. Des années plus tard, en prison, après avoir causé deux morts, Billy est diagnostiqué schizophrène. Avec l’aide de la cinéaste, seul lien qui lui reste à part sa famille, ses archives personnelles deviennent un support précieux pour concevoir sa maladie. Un double regard rare qui déconstruit formellement la schizophrénie.

Billy
Canada, 2024
De Lawrence Côté-Collins

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

DOUBLE JE

On pourrait légitimement penser qu’un film qui possède pour titre le nom d’un de ses protagonistes ne laisse aucune ambiguïté sur qui va en être le ou la protagoniste, mais face à cet étonnant documentaire venu du Québec, la question devient plus intrigante. Tout d’abord, Billy est bien sûr partout à l’écran, à travers des mini-films et vidéo-confessions qu’il a lui-même filmées, puis à travers des images captées au fil des années par la réalisatrice du documentaire, Lawrence Côté-Collins. Progressivement, la voix de la cinéaste vient se superposer à celle de Billy, non pas pour ramener le sujet à elle mais pour ajouter une nouvelle perspective à l’autoportrait éclaté de ce jeune homme pas très tranquille.

C’est déjà par le prisme d’une caméra que Billy l’excentrique et Lawrence la discrète s’était rencontrés il y a de nombreuses années, à l’époque où elle et lui se mettaient mutuellement en scène dans des courts métrages amateurs, bricolés avec l’urgence brûlante de celles et ceux qui ont beaucoup de choses à évacuer. Depuis, Billy a causé la mort de deux personnes, fait de la prison et a été diagnostiqué schizophrène. Lawrence ressort sa caméra pour aller filmer le Billy d’aujourd’hui, et avec l’autorisation et le concours de ce dernier, elle compile des années d’images amateur où la personnalité fantasque et borderline de Billy crevait déjà l’écran. Le résultat est une mosaïque foisonnante où se mélangent les natures d’images (doc, fiction, animation…), les époques, les délires et les appels à l’aide.

Le but de Lawrence Côté-Collins n’est pas d’expliquer la maladie mentale de Billy, d’y trouver une logique ou encore moins une excuse (le générique de début prévient d’abord avec tact que le film est avant tout dédié aux victimes de Billy). Avec un regard sans naïveté ni jugement, elle vient au contraire aider Billy à compléter l’œuvre d’autoportrait qu’il avait entamé à l’adolescence. Si Billy débute comme enquête sur un fait divers, ce documentaire intime et émouvant nous plonge de plus en plus profondément dans les émotions crues et fortes de la jeunesse (premier amour, solitude, précarité). Touchant et direct, ce film permet à Billy et Lawrence de se dévoiler autant l’un que l’autre.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article