Des 999 premières femmes envoyées à Auschwitz, seules 22 ont survécu. Helena Citron est l’une d’entre elles. A Auschwitz elle attire l’attention de l’officier SS autrichien Franz Wunsch, qui tombe éperdument amoureux d’elle. Wunsch la protège autant que possible et sauve sa sœur Roza des griffes de l’enfer. Mais en tant qu’officier SS, il présente aussi une facette très différente. Une trentaine d’années plus tard, la femme de Wunsch écrit à Helena, qui a émigré en Israël après la guerre, pour lui demander de témoigner en faveur de Wunsch lors de son procès pour crimes de guerre à Vienne.
Love It Was Not
Israël, 2020
De Maya Sarfaty
Durée : 1h23
Sortie : 11/10/2023
Note :
CONFLIT INTIME
Le sujet extraordinaire traité par la cinéaste israélienne Maya Sarfaty avait déjà été exploré dans son moyen métrage The Most Beautiful Woman en 2016. Quelques années plus tard, dans son long métrage Love It Was Not, Sarfaty se penche un peu plus encore sur l’histoire hors du commun de Helena Zitron qui, pendant la Seconde Guerre Mondiale, a été envoyée à Auschwitz et en est sortie vivante. Entre temps, elle a eu une liaison avec un officier SS, celui-ci a notamment épargné sa sœur, et comme si cela ne suffisait pas, Zitron a été appelée pour témoigner lors du procès de son ancien amant dans les années 70. On est confronté, dans le documentaire de Maya Sarfaty, à une réalité qui dépasse toute fiction imaginable.
Le film débute par une photo énigmatique de jeune femme souriante à Auschwitz. Il y a une histoire derrière cette image, des histoires au pluriel et des nuances, comme il y a une histoire derrière chacun•e des protagonistes de Love It Was Not. Il n’est pas question d’excuser ou de trouver maladroitement des raisons à chacun, mais plutôt d’examiner les facettes d’individus pris au piège d’une impensable tragédie. Toute sa vie, Zitron a dû affronter des dilemmes, et porter des responsabilités qu’aucune épaules ne devraient porter. Mais c’est ce récit là que Sarfaty déroule, dans un documentaire de « têtes parlantes » de facture classique.
Le sujet, à vrai dire, est suffisamment puissant pour se contenter d’une forme assez passe-partout. Mais dans ce film de témoignage, il y a néanmoins une idée plutôt habile : celle de silhouettes découpées qui décollent de la stricte succession de photos historiques, et qui donnent une autre dimension aux clichés de livres d’Histoire. C’est un récit que Zitron se réapproprie, elle qui fut mal perçue, elle qui a été une » mauvaise victime », mais elle qui est là dans toute sa complexité.
Le journal d’un SS rassemble des souvenirs, une chanson (qui donne son titre au long métrage) est comme un spectre qui aurait survécu aux camps. Le travail de Maya Sarfaty a l’honnêteté d’être aussi inconfortable que les choix impossibles que Zitron et d’autres autour d’elle ont dû faire – des camps jusqu’au tribunal. Pendant que certains semblent s’arrêter aisément à la surface (un juré qui voit l’amant SS de Zitron et se dit qu’il n’a pas l’air si mauvais), Sarfaty signe un portrait dont la vivacité doit beaucoup à sa dualité et ses contradictions.
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par Nicolas Bardot