PÉRIODE BLEUE

La sage Xian a quinze ans, et ne remarque même plus les avions qui volent juste au-dessus de chez elle. Ce n’est peut-être pas uniquement dû à son âge, mais elle peine à trouver sa juste place dans sa vie quotidienne. Parmi les décors aussi traditionnels qu’artificiels du studio photo de son père qu’elle connait à peine, elle ne s’imagine ni porter des costumes classiques ni participer à des photos de groupe avec ses camarades de classe. S’il y a une chose qui fascine la jeune fille, c’est la nouvelle belle-fille de son père. Une jeune femme d’origine coréenne qui a l’air de très bien savoir ce qu’elle veut.

Une personne adolescente timide attirée par une personne épanouie et rebelle ? On ne peut pas dire que pour son premier long métrage, la cinéaste chinoise Zihan Geng craigne de se frotter aux archétypes. On a déjà entendu ce récit des centaines de fois en version hétéro, bien souvent en version gay, et un peu moins en version lesbienne il est vrai. On peut dire sans exagérer que le scénario de Blue Summer reste arrimé à des rails bien prévisibles, mais cela ne veut pas dire que le film ne possède pas sa touche personnelle. Cette dernière est simplement à chercher ailleurs : dans sa mise en image.

La photo de Blue Summer est baignée d’une délicatesse d’aquarelle, les couleurs y sont douces mais présentes, à commencer bien sûr par le bleu et toutes ses nuances de la plus glacée à la plus mélancolique (Zihan Geng parvient à faire effectivement du bleu… une couleur chaude). Dans certaines scènes, le grain de l’image est d’ailleurs légèrement flou, comme si tout était vu à travers un voile de larmes. Ce traitement sensoriel vient apporter un relief émouvant à ce portrait adolescent, comme si nous étions en train d’observer les mutations propres à cet âge à travers un kaléidoscope de poche ou un bel aquarium.

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