Critique : Beau is Afraid

Beau tente désespérément de rejoindre sa mère. Mais l’univers semble se liguer contre lui…

Beau is Afraid
Etats-Unis, 2023
De Ari Aster

Durée : 2h59

Sortie : 26/04/2023

Note :

OÙ EST LE CHEMIN DE MA MAISON ?

En 2011, Ari Aster signait le court métrage Beau, dans lequel le héros éponyme se voyait empêché d’aller rendre visite à sa mère par d’angoissantes circonstances. Beau is Afraid, qui devait à l’origine être le premier long métrage du cinéaste, reprend aujourd’hui le même point de départ. Incarné cette fois-ci par Joaquin Phoenix, Beau est tellement pétri de névroses et de timidité qu’il ressemble moins à un adulte qu’à un très vieux petit garçon. Ses troubles du comportement transforment chaque détail de son environnement en un potentiel ennemi mortel (telle cette araignée venimeuse furtive, métaphore maternelle funeste à la Louise Bourgeois ?) et chaque sortie en dehors de son appartement miteux en une épreuve titanesque.

Vu à travers les yeux paranoïaques de Beau, le trottoir en bas de chez lui a déjà des airs de pandémonium. La première partie de Beau is Afraid nous plonge dans sa terreur quotidienne comme on enfonce la tête de quelqu’un sous l’eau pour le torturer. « Vous avez l’autorisation de rire » prévient le cinéaste, et ces premières scènes possèdent en effet l’énergie absurde et sans limite d’un cartoon. On rirait volontiers (car il y a de quoi) si on n’était pas également épuisé par ce déluge de tension anxiogène. Le film n’attend guère que quelques minutes avant de chercher à nous couper le souffle, et pourtant Beau n’a même pas encore traversé la rue. Or, un terrifiant voyage de plusieurs jours l’attend pour rejoindre sa mère. Les trois heures qui s’annoncent vont-elles être aussi éprouvantes que le voyage du héros ? Combien de temps le film et nous-même pouvons nous rester sur cette note furieuse ?

Beau is Afraid possède heureusement des respirations inattendues. On peut même dire sans exagérer qu’il s’agit d’un film imprévisible, et combien peuvent réellement s’enorgueillir d’une qualité si précieuse ? Imprévisible, Beau is Afraid l’est tout d’abord dans le déroulé de son récit, mais surtout dans les différents styles et tons que l’on y traverse, les yeux perpétuellement écarquillés par la surprise. Pour préverser cette dernière, nous ne dirons pas par exemple à quel célèbre clip des années 90 semble rentre hommage la partie centrale du film (la plus poétique et poignante). Contrairement aux précédents films d’Ari Aster, Beau is Afraid ne rentre pas nettement dans les cases du film d’horreur. Tragicomédie cauchemardesque sur la culpabilité, le film change de peau à plusieurs reprises et son agitation première (comme si le film lui-même voulait rouler des mécaniques à coups d’effets choc) se transforme en une résignation à la mélancolie inattendue.

Un sentiment particulier revient à plusieurs reprises face à Beau is Afraid : l’illusion excitante d’avoir enfin fait le tour du film, d’avoir saisi l’entièreté de son sujet et son ambition. Beau est dans une relation toxique avec sa mère et avec le monde entier, et le moindre échange est pour lui un terrifiant casse-tête dont la solution lui échappe toujours. Or, chaque fois que l’on croit savoir sous quel angle prendre le film, celui-ci nous glisse aussi entre les doigts. Le paysage se révèle toujours plus immense que prévu, et cette impossibilité de prévoir ou maitriser les situations se fait de plus en plus amère. L’expérience immersive proposée par Beau is Afraid n’est pas pour tout le monde, elle évoque par moment des films fort clivants tels que mother! de Darren Aronofsky ou Je veux juste en finir de Charlie Kaufman, mais ce film de fantômes ne manque certainement ni d’ambition ni de personnalité.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article