Festival CPH:DOX | Critique : A Little Love Package

Angeliki tente d’acheter un appartement avec l’aide de son architecte d’intérieur, Carmen. Angeliki semble avoir quelque chose contre tous les endroits qu’elle visite, et Carmen a l’impression de parler à un mur. Comment Angeliki trouvera-t-elle son nouveau foyer ?

A Little Love Package
Autriche/Argentine, 2022
De Gastón Solnicki

Durée : 1h21

Sortie : –

Note :

OÙ EST LA MAISON DE MON AMIE ?

Le nouveau film du cinéaste argentin Gastón Solnicki (Kékszakállú, Introduzione all’oscuro) se situe dans les beaux quartiers de Vienne, baignés d’un ciel orange. Accompagnée de la sérieuse Carmen, Angeliki enchaîne les visites d’appartements à la recherche d’un nouveau foyer. Sa ville d’origine, la raison pour laquelle elle emménage seule ou la provenance de ses ressources financières ne sont jamais abordées. En revanche, ce qui se voit d’emblée, c’est l’air maussade qu’elle porte en permanence sur ses épaules voutées, et la mauvaise foi qu’elle met à rejeter chaque appartement visité. De salles de bains en marbre en salons dignes d’un musée, Angeliki devrait être ravie d’avoir à sa portée de tels nids douillets, mais son errance a tout l’air d’une malédiction.

Où se poser quand on ignore sous quel méridien l’on pourrait enfin se trouver à sa place? Où aller quand on ne peut plus… aller au café ? Dans un de ces étonnants et gracieux pas de côté vers le documentaire, A Little Love Package s’ouvre en effet sur un retour vers la loi interdisant de fumer dans les cafés viennois, ces lieux où l’on venait pourtant pour tout faire : lire, tirer les cartes, dessiner ou même casser des œufs. Un événement qu’une voix off nous décrit comme la fin d’une ère. C’est précisément ce type de repère temporel ou géographique qui manque à la vie d’Angeliki et Carmen, toutes deux égarées en terre étrangère. A chaque fois que celles-ci regardent une carte ou une mappemonde, celle-ci est d’ailleurs recouverte d’ombres. C’est aussi le genre de contours nets dont le film fait fi en adoptant une forme narrative bien à lui.

A l’image du raffinement architectural que la vieille Europe déploie à l’écran, A Little Love Package fait preuve d’une épure cinématographique toute germanique : place de choix laissée au silence, rigueur élégante des plans mise en valeur par la photo de Rui Poças (Zama, Tabou…). Mais Solnicki possède l’art des digressions curieuses. « L’une montre à l’autre quelque chose qu’elle n’est pas capable de comprendre », nous prévient la voix off en parlant des protagonistes. De fait, on n’a pas non plus toujours l’impression de saisir pleinement de quoi le film nous parle. A coups de ruptures et d’ellipses, celui-ci change de décor, suivant ses héroïnes à la recherche du centre du monde. La dernière case de ce jeu de l’oie pourrait avoir la froideur d’une énigme sans réponse, mais il se dégage au contraire de ce beau puzzle une contagieuse chaleur humaine.

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par Gregory Coutaut

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