Entretien avec Tereza Nvotová

Après une brillante carrière en festivals, le film slovaque Sans jamais le dire sort ce mercredi 17 octobre dans les salles françaises. Ce drame sur le viol est le premier long métrage de Tereza Nvotova qui signe ici un récit glaçant, sans concession et qui se questionne différemment sur le traitement des victimes de violences sexuelles. Rencontre avec un talent à suivre.

 

Quel a été le point de départ de Sans jamais le dire ?

Le silence. La plupart de mes amies ont subi des violences sexuelles et aucune d’entre elles ne les a signalées. Elles ont gardé le silence non seulement face aux autorités, mais aussi face à leurs familles et compagnons, car elles se sentaient honteuses et salies. Puis nous nous sommes rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de nos amies mais de la société entière : un tiers des femmes dans l’Union Européenne ont subi des violences sexuelles et/ou physiques. C’est de là que le film est parti. Si on ne voulait pas traiter de cela à bras le corps, nous ne l’aurions pas fait. Nous avons décidé de montrer de l’intérieur l’expérience d’une survivante, afin que les gens mesurent quel impact énorme peuvent avoir ces quelques terribles minutes.

Comment avez-vous abordé la mise en scène de cette histoire ?

 Nous avons regardé des films ensemble et à travers cela nous nous sommes en quelque sorte synchronisés sur le langage visuel à choisir pour cette histoire. Puis nous avons préparé chaque plan un par un. Nous avons aussi improvisé sur le tournage. Mais c’est justement toute la préparation qui nous a donné beaucoup de liberté.

Dans quelle mesure diriez-vous que votre expérience d’actrice vous a été utile pour réaliser ce film ?

 Ça m’a été très utile. Le film repose sur une interprétation authentique. J’ai appris de mon métier d’actrice ce qui était utile en termes de mise en scène et ce qui tue l’authenticité. Durant le tournage, je me suis sans cesse demandé quel genre de remarque m’aiderait si je jouais la scène. Je me suis également appuyée sur l’intuition. 

Dans les scène d’hôpital psychiatrique, certains personnages sont joués par des adolescents qui vivent réellement dans de tels endroits. Pourquoi avez-vous décidé de les mêler aux acteurs professionnels ?

Il n’y a pour ainsi dire pas d’acteur professionnel de cet âge. Il n’y a que des acteurs qui s’entrainent à être professionnels, ce qui signifie qu’ils viennent d’un background très différent. J’avais besoin de vraies personnes, qui savaient par expérience comment fonctionnent ces institutions et comment l’on se sent à l’intérieur de celles-ci. C’était le meilleur moment de tout le tournage. Même si les scènes sont dures, on a finalement réussi à s’amuser.

En ce qui concerne la scène d’agression elle-même, comment avez-vous décidé de ce que vous alliez montrer ou non ?

L’idée principale était d’être à ses côtés, de ressentir ce qu’elle ressent. Je savais que voir les parties intimes ou des corps nus détournerait l’attention des spectateurs de la douleur et du sentiment d’impuissance ressentis par l’héroïne.

Quels sont vos cinéastes favoris ?

Eh bien je n’ai jamais adoré un seul réalisateur en particulier et mes goûts changent en vieillissant. Mais je peux en citer quelques uns : Milos Forman a toujours été un grand modèle, surtout pour ses premiers films. Carlos Reygadas est une grande inspiration et les films de Gaspar Noé me font toujours ressentir physiquement ce qui se passe à l’écran.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, de voir quelque chose de neuf au cinéma ?

 J’ai adoré le film qui a gagné l’Ours d’or à la Berlinale cette année : Touch Me Not d’Adina Pintilie (lire notre entretien). Il sort bientôt en France également. Je pense que ce film a une dimension thérapeutique et que les gens devraient le voir. C’est aussi un film tout à fait unique dans son style et sa forme.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 16 octobre 2018. Un grand merci à Alexia Coutant.

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