Suite de notre focus sur ces 10 années de cinéma qui se sont écoulées : après nos 20 documentaires, voici nos 20 films queer des années 2010. C’est évidemment un choix tout à fait subjectif et de très beaux autres films auraient pu figurer dans cette liste. Parmi tous ces coups de cœur, nous avons souhaité examiner ce que des réalisateurs (pratiquement tous) queer ont eu à dire sur et à la communauté en termes de thématiques, d’esthétique et de représentation. Découvrez nos 20 choix ci-dessous.
• Kaboom | Gregg Araki (États-Unis, 2010)
Le pitch : Smith mène une vie tranquille sur le campus – il traîne avec sa meilleure amie, l’insolente Stella, couche avec la belle London, tout en désirant Thor, son sublime colocataire, un surfeur un peu simplet – jusqu’à une nuit terrifiante où tout va basculer.
Pourquoi on l’aime : Le titre de ce long métrage présenté lors d’une mémorable séance de minuit à Cannes sonne comme une explosion et va comme un gant à ce fourre-z’y-tout 100% Araki. Une joyeuse apocalypse de contre-culture pour entrer comme il se doit dans les années 2010.
• Tomboy | Céline Sciamma (France, 2010)
Le pitch : Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon.
Pourquoi on l’aime : Près de 10 ans avant Portrait de la jeune fille en feu, Sciamma questionne déjà le regard dans ce film délicat sur l’identité. D’une grande justesse, Tomboy a la légèreté d’un jeu d’enfants mais c’est aussi un film profond qui, sur des questions qui constituent pour beaucoup un angle mort, a l’intelligence de ne pas infantiliser son public.
• Week-end | Andrew Haigh (Royaume-Uni, 2011)
Le pitch : Un vendredi soir, après une soirée arrosée chez ses amis, Russell décide de sortir dans un club gay. Juste avant la fermeture, il rencontre Glen et finit par rentrer avec lui. Mais ce qu’il avait pensé n’être qu’une aventure d’un soir va finalement se transformer en toute autre chose.
Pourquoi on l’aime : On croit avoir déjà vu ce type de romance gay, mais le Britannique Andrew Haigh, avec un mélange de grâce et de subtilité, parvient à donner une grande ampleur émotionnelle à son récit minimaliste. Et à saisir tout le potentiel romanesque du one-night stand.
• Cloud Atlas | Lilly Wachowski, Lana Wachowski & Tom Tykwer (États-Unis, 2012)
Le pitch : À travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement…
Pourquoi on l’aime : Transgression, transmission, transversalité et transcendance – Cloud Atlas est une œuvre de SF mosaïque où se superposent et se croisent les métamorphoses et les révolutions de différentes minorités. Unique et virtuose.
• Laurence Anyways | Xavier Dolan (Canada, 2012)
Le pitch : Dans les années 1990, Laurence fait son coming out trans à Fred, sa petite amie. Envers et contre tous, et peut-être bien eux-mêmes, elles affrontent les préjugés de leur entourage, résistent à l’influence de leur famille, et bravent les phobies de la société qu’elles dérangent.
Pourquoi on l’aime : C’est un mélo épique et sublime qui esthétiquement prend parfois la forme d’un hommage queer au glamour de l’âge d’or hollywoodien. Une extraordinaire histoire d’amour dont l’héroïne, fait suffisamment unique pour le noter, est trans.
• Remington and the Curse of the Zombadings | Jade Castro (Philippines, 2012)
Le pitch : Remington est le macho par excellence. Mais lorsqu’il rencontre la belle Hannah, il devient soudainement plus raffiné, plus gentil et plus sensible. Les charmes de la jeune fille seraient-ils à l’origine de ces changements ? Mais alors, comment expliquer qu’en compagnie de son meilleur ami Jigs, son cœur se mette à battre frénétiquement au rythme de déhanchés incontrôlables ?
Pourquoi on l’aime : Présenté en compétition à Gérardmer, Remington est une inoubliable comédie qui ressemble à une pièce montée concoctée pour le mariage d’une drag-queen. Joyeusement malpoli et décomplexé, le film porte un regard aimant sur la dimension queer de l’horreur et sur ses « baklâ » loud and proud.
• L’Inconnu du lac | Alain Guiraudie (France, 2013)
Le pitch : L’été. Un lieu de drague pour hommes, caché au bord d’un lac. Franck tombe amoureux de Michel. Un homme beau, puissant et mortellement dangereux.
Pourquoi on l’aime : Voilà un film qui a su détourner tous les schémas attendus. Traitement décomplexé de la nudité masculine, mélange de crudité et de douceur, danger excitant : tout dans L’Inconnu du lac est unique et Guiraudie ne semble obéir qu’à son désir de liberté.
• Quick Change | Eduardo Roy Jr (Philippines, 2013)
Le pitch : Dorina, femme trans entre deux âges, tente de trouver sa place dans le monde.
Pourquoi on l’aime : Mélange étonnant de comédie queer et de thriller social, Quick Change est porté par une héroïne trans complexe et ambiguë. Et propose en creux un portrait familial hors normes dans un film d’une grande liberté de ton.
• Dyke Hard | Bitte Andersson (Suède, 2014)
Le pitch : En 1986, un groupe de rock lesbien un peu has been décide de profiter d’une compétition musicale à l’autre bout du pays pour remonter sur le devant de la scène. Durant leur road trip, ces filles délurées devront affronter des cyborgs, des fantômes, une boxeuse thaïe, des matrones tyranniques, des ninjas ou encore un gang de motardes qui ne leur voudront pas que du bien…
Pourquoi on l’aime : Dyke Hard est un hommage jubilatoire aux séries Z et à tout ce qu’elles peuvent avoir d’iconoclaste. La Suédoise Bitter Andersson réalise une sorte de fantasme camp avec cette fausse adaptation de Jem et les Hologrammes sous influence de John Waters. Bancal, potache et fier de l’être.
• The Night | Zhou Hao (Chine, 2014)
Le pitch : Un jeune homme se tient devant un miroir. La nuit lui appartient. Chaque soir, vêtu d’une chemise neuve, il quitte son appartement et il attend dans une ruelle mal éclairée…
Pourquoi on l’aime : Réalisé par un tout jeune homme de 21 ans, ce long métrage de nuit traite avec une certaine grâce de vies clandestines. Biberonné de flamboyantes références queer (Jean Genet, Rainer Werner Fassbinder ou Wong Kar Wai), Hao Zhou signe un film qui n’a peur de rien.
• Something Must Break | Ester Martin Bergsmark (Suède, 2014)
Le pitch : Stockholm, entre zones industrielles et terrains vagues, Sebastian, un garçon à la beauté troublante et androgyne, se met en danger en ayant des aventures sexuelles avec des inconnus. Alors que tout est à deux doigts de déraper, le téméraire Andreas apparaît et le sauve in extremis. Entre ces deux fortes personnalités, c’est le coup de foudre.
Pourquoi on l’aime : Derrière les apparences classiques d’un récit d’apprentissage queer se cache un film hypersensible et atypique sur la fluidité de genre. Fort et fragile, le film comme ses protagonistes ne semble obéir qu’à ses propres règles – un programme parfaitement exaltant.
• Stories of our Lives | Jim Chuchu (Kenya, 2014)
Le pitch : Amour, identité, exclusion… Une collection de courts métrages et noir et blanc, basés sur des témoignages de membres de la communauté LGBT au Kenya.
Pourquoi on l’aime : Élégant et émouvant, ce film primé par le jury du Teddy Award collecte quelques vies secrètes, des histoires authentiques ici rejouées. Des paroles s’y libèrent et Jim Chuchu donne ici tout son sens à l’idée de communauté.
• Carol | Todd Haynes ( États-Unis, 2015)
Le pitch : New York 1952. Carol est élégante, sophistiquée, riche et mariée. En cette veille de Noël, elle erre dans un grand magasin à la recherche d’un cadeau pour sa fille. Elle y rencontre une jeune vendeuse, Thérèse, spontanée, charmante, fragile.
Pourquoi on l’aime : Après son flamboyant hommage à Douglas Sirk dans Loin du paradis, Todd Haynes explore à nouveau la dimension queer du mélodrame hollywoodien avec cette fois une romance lesbienne portée par deux actrices magistrales. Une modernisation de motifs classiques, splendide et bouleversante.
• Tangerine | Sean Baker (États-Unis, 2015)
Le pitch : 24 heures dans la vie de Sin-Dee Rella, qui traverse Los Angeles à la recherche de sa rivale.
Pourquoi on l’aime : Chatoyant et glorieusement unapologetic, Tangerine a pour héroïnes deux femmes trans et travailleuses du sexe que Baker ne cherche jamais à lisser. Rempli de vie, le film ne cherche jamais l’émotion facile et c’est exactement en cela qu’il est extrêmement poignant.
• Vierge sous serment | Laura Bispuri (Italie, 2015)
Le pitch : Hana a grandi dans un petit village reculé d’Albanie où le sort des femmes n’est guère enviable. Pour ne pas vivre sous tutelle masculine, elle choisit de se plier à une tradition ancestrale : elle fait le serment de rester vierge à jamais et de vivre comme un homme.
Pourquoi on l’aime : Vierge sous serment est un premier film audacieux qui ne filme par l’identité comme un interrupteur avec deux positions uniques. Subtile et passionnante, la réalisatrice italienne a depuis confirmé avec Ma fille, redistribution enthousiasmante des rôles familiaux.
• Théo & Hugo dans le même bateau | Olivier Ducastel & Jacques Martineau (France, 2016)
Le pitch : Dans un sex-club, les corps de Théo et de Hugo se rencontrent, se reconnaissent, se mêlent en une étreinte passionnée. Passé l’emportement du désir et l’exaltation de ce premier moment, les deux jeunes hommes dégrisés, dans les rues vides du Paris nocturne, se confrontent à leur amour naissant.
Pourquoi on l’aime : Ducastel et Martineau signent leur meilleur film avec ce Théo et Hugo qui n’a peur d’aucun contraste, de la crudité cash à la plus absolue des romances, du film qui documente au tout-romanesque. Une formidable histoire d’amour transcendée par ses deux interprètes.
• 120 battements par minute | Robin Campillo (France, 2017)
Le pitch : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.
Pourquoi on l’aime : Grand Prix au Festival de Cannes, 120 battements par minute est un grand film politique sur le pouvoir du militantisme. Et il a la force de ces films qui, en parlant d’hier, parlent aussi de ce qui se passe ici et maintenant.
• Les Bonnes manières | Marco Dutra & Juliana Rojas (Brésil, 2017)
Le pitch : Clara, une jeune infirmière, est engagée par Ana, jolie femme enceinte de la classe supérieure de São Paulo, pour l’assister en attendant la naissance de son enfant, puis devenir sa nurse. Alors que les deux femmes se rapprochent petit à petit, la future mère est prise de crises de somnambulisme.
Pourquoi on l’aime : A travers le filtre malin du cinéma de genre, Les Bonnes manières délivre une parabole politique. C’est un portrait de la société et de ceux qui en sont mis à la porte : femmes racisées, lesbiennes ou… loups-garous. Un art de la transgression d’une douceur hypnotique.
• Une femme fantastique | Sebastian Lelio (Chili, 2017)
Le pitch : Marina et Orlando, de vingt ans son aîné, s’aiment loin des regards et se projettent vers l’avenir. Lorsqu’il meurt soudainement, Marina subit l’hostilité des proches d’Orlando : une « sainte famille » qui rejette tout ce qu’elle représente.
Pourquoi on l’aime : Indice d’un chemin parcouru dans le cadre d’un cinéma d’auteur (plutôt) mainstream – 5 ans après Melvil Poupaud dans Laurence Anyways, c’est cette fois une actrice trans qui est la tête d’affiche d’Une femme fantastique. Avec une mélange de charisme et de délicatesse, Daniela Vega incarne une héroïne moderne et fascinante dans une merveille d’une profonde humanité.
• Un couteau dans le cœur | Yann Gonzalez (France, 2018)
Le pitch : Paris, 1979. Anne est productrice de pornos gays. Lorsque Loïs, sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald. Mais un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné et Anne est entraînée dans une enquête étrange qui va bouleverser sa vie.
Pourquoi on l’aime : Après son déjà très beau Les Rencontres d’après minuit, Yann Gonzalez signe un nouveau magnifique chant d’amour queer, une utopie ensorcelante qui aura eu aussi le mérite d’indisposer toute une vieille garde rance de la critique française. Comme un badge d’honneur.
Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut le 3 janvier 2019.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |