Festival de Neuchâtel 2024 : nos 5 courts métrages préférés

La 23e édition du Festival du Film Fantastique de Neuchâtel s’est achevée ce samedi et vous avez pu en avoir un aperçu sur Le Polyester. Le festival a proposé dans sa sélection plusieurs excellents courts métrages dont nous vous avons déjà dit beaucoup de bien par le passé (Void du Japonais Iwasaki Yusuke, A Short Story du Chinois Bi Gan et The Watchman du Libanais Ali Cherri). Nous vous présentons en complément un focus sur 5 coups de cœur parmi ceux que nous avons découverts pendant cette édition.



Los Cautiverios, Silvia Jiménez (Mexique)
L’histoire : Une jeune fille dans un bus se fait suivre par un inconnu et tente de le semer. Le seul refuge devient alors une forêt et le seul salut possible un mystérieux sort…
Pourquoi on l’aime : La jeune Mexicaine Silvia Jiménez interpelle dès le premier plan de son (très) court métrage Los Cautiverios (les captivités). Ce sont de chaleureuses couleurs automnales qui accompagnent l’héroïne sur son chemin, mais pourtant le jour qui décline et le crépuscule à venir semblent raconter une autre histoire, portant un voile d’étrangeté. Avec un talent narratif prometteur, Jiménez manie le minimalisme – du silence, du découpage, du décor. De son héroïne menacée dans les bois, on n’entendra que le souffle. Un mystère l’entoure, quelques indices sont dispensés par une voix-off non-identifiée. On assiste à la réaction viscérale, animale à une peur, à un danger bien concret. A quelles inexplicables mutations les jeunes filles doivent s’adonner par instinct de survie ?



Faces of Death, Jan Soldat (Autriche)
L’histoire : Juxtaposant les multiples morts de Christopher Lee au cinéma, ce bref bijou de montage offre un tribut tantôt incongru, tantôt poétique à la carrière du célèbre acteur britannique.
Pourquoi on l’aime : Faces of Death s’inscrit parmi les inventaires de la mort de l’Autrichien Jan Soldat, une exploration morbide et ludique entamée avec Staging Death (sur les incalculables morts d’Udo Kier à l’écran) et poursuivie plus récemment avec Beautiful Dead Woman (sur les morts féminines dans la série Un cas pour deux). Cette fois-ci, Soldat se penche sur un (le?) spécialiste de la mort : Christopher Lee. Le dispositif demeure identique : un zapping de micro-extraits où le protagoniste meurt – brûlé, noyé, exécuté, écartelé. Des moments brefs, souvent théâtraux, où l’accumulation crée un absurde moteur de comédie. On meurt, on meurt, mais tout ceci n’est pas si sérieux – Christopher Lee peut même mourir le sourire aux lèvres. Et en creux, le cinéaste tente de faire le compte poétique des innombrables morts d’un immortel.



Les Gens dans l’armoire, Dahee Jeong (Corée du Sud)
L’histoire : Dans un curieux univers, les vêtements se meuvent et dessinent des silhouettes. Entre coton et soie, cette société imaginaire questionne avec douceur les normes de la nôtre.
Pourquoi on l’aime : Remarquée avec son très beau Movements à la Quinzaine en 2019 qui faisait le récit d’un paradoxe temporel, la cinéaste coréenne Dahee Jeong est de retour avec un nouveau court d’animation explorant lui aussi des paradoxes absurdes. Des protagonistes sans corps semblent définis par les vêtements qu’ils portent. Les rues sont vivantes et bigarrées, mais bizarrement sans visages. Tout est ordonné en apparence, et pourtant sans queue ni tête. On retrouve la délicatesse et la tendresse enfantines du trait et des couleurs de la réalisatrice, qui créent un stimulant contraste avec son surréalisme à la Magritte. Tout à coup, la nudité dans Les Gens de l’armoire devient une source de malaise voire de panique, même si c’est celle d’une enfant. Comment, cul nu, se libérer des rôles sociaux et de leur pression ? Dahee Jeong apporte une réponse aussi charmante que grâcieuse.



Perfect City : The Mother, Zhou Shengwei (Chine)
L’histoire : Dans une forêt ténébreuse, une femme en bois donne naissance à une racine et tente de la modeler en une parfaite poupée humaine.
Pourquoi on l’aime : Perfect City : The Mother est le premier volet d’une série de courts métrages d’animation, dont le second (le remarquable Perfect City : The Bravest Kid) était également présenté au Festival de Neuchâtel. Le Chinois Zhou Shengwei signe un sombre conte en stop-motion, où des matériaux tels que le bois, une pomme de pin ou une couronne de fleurs séchées se retrouvent recouverts d’une sève débordante qui paraît incongrue. Qu’est-ce qui est en train de se passer dans le secret de la nuit, à la lumière fragile d’un feu de camp ? Zhou Shengwei mêle body horror et folk horror dans ce cruel récit de parent-monstre. Ici, au cœur des bois, c’est le récit d’une femme à la bûche, mis en scène avec une grande inventivité et une fascinante beauté.



Shé (Snake), Renee Zhan (Royaume-Uni)
L’histoire : Sous la pression suscitée par l’arrivée d’une nouvelle rivale, les peurs et le désir d’excellence d’une jeune violoniste sino-britannique prennent la forme d’une créature monstrueuse.
Pourquoi on l’aime : L’Américaine Renee Zhan s’était distinguée en 2020 avec son brillant court métrage O Black Hole! dont l’héroïne se transformait en trou noir. Un vertige comparable guette le personnage principal de Shé (Snake), une jeune violoniste (incarnée par l’excellente Xiaonan Wang) qui semble vivre un enfer où que ce soit – au sein de son orchestre, à l’école ou en famille. L’Hiver de Vivaldi est une épreuve glaciale pour la jeune musicienne, écrasée par la pression sociale et son expérience intériorisée du racisme. A l’aise avec le mélange de genres et de tons, Zhan fait rencontrer body horror et farce, où le cauchemar peut aussi être un terrain d’émancipation. La cinéaste déjoue finement les clichés misogynes de la rivalité féminine ; l’horreur attendue (et la cinéaste sait y faire avec des visions puissantes et une riche bestiaire grotesque) donne finalement lieu à un chaleureux récit de sororité, qui encourage ses héroïnes – et son public – à jouer leur propre musique.



Nicolas Bardot

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