Festival de Locarno 2024 : nos 10 courts métrages préférés

La 77e édition du Festival de Locarno s’achève ce samedi et vous avez pu en avoir un aperçu sur Le Polyester. Nous vous présentons un focus sur 10 coups de cœur parmi les courts métrages présentés cette année.



• Better Not Kill the Groove, Jonathan Leggett (Suisse)
L’histoire : Entre trottinette et développement personnel, un jeune garçon en quête d’identité explore son rapport au corps et aux émotions.
Pourquoi on l’aime : Ca commence presque comme un épisode de Video Gag avec d’innocentes vidéos de skaters plus ou moins doués, avant de basculer progressivement dans l’univers inquiétant et débile à la fois des influenceurs masculinistes et de leur culte de la douleur. Créée sous le parrainage de Caroline Poggi & Jonathan Vinel, cette étonnante mosaïque contemporaine sur la solitude masculine est entièrement composée de vidéos absurdes glanées sur Internet.



• Hymn of the Plague, Ataka51 (Russie)
L’histoire : Dans un vieux studio d’enregistrement soviétique, des musiciens tentent d’enregistrer un morceau inspiré du Festin en temps de peste de Pouchkine. Des phénomènes étranges et effrayants les perturbent, esprits du passé et échos de la guerre. Personne ne s’en aperçoit jusqu’à la fin.
Pourquoi on l’aime : L’intrigante première scène d’Hymn of the Plague ressemble à un évident clin d’œil au Shining de Kubrick. Il y a visiblement quelque chose qui hante ce studio d’enregistrement, mais quoi ? La brillante mise en scène du collectif Ataka51, d’origine russe mais basé à Paris, chérit un mystère magnétique. Est-il trop littéral d’y voir la métaphore d’un peuple qui a désormais totalement disparu de la scène internationale : les Russes ?



• Ludwig (Power Inferno), Anton Bialas (France)
L’histoire : Un court récit sur le pouvoir, l’utopie et la folie, à travers la figure du roi Ludwig II de Bavière – condamné à ses rêves excessifs de beauté et pressentant la réalité dystopique de la période qui allait lui succéder au tournant du XXe siècle.
Pourquoi on l’aime : Aux antipodes d’un film historique classique, cette flamboyante vignette vient plutôt traduire les opulentes et libidineuses visions intérieures de son célèbre protagoniste, chatelain précieux délibérément coupé de la violence du monde. Les échelles s’entrechoquent avec éclat dans ce portrait composé d’images particulièrement magnétiques et inattendues.



• The Masked Monster, Park Syeyoung (Corée du Sud)
L’histoire : Tenaillée par la faim, une fillette échange son frère contre un sac de riz. Une fois rassasiée, elle reprend ses esprits. Mais il est déjà trop tard.
Pourquoi on l’aime : Dans un noir et blanc à la fois anxiogène et flamboyant, les rouages d’une machinerie violente s’enchainent avec furie autour des innocents protagonistes. L’horreur expérimentale du Coréen Syeyoung Park (The Fifth Thoracic Vertebra) prend un virage narratif et trouve son écrin idéal dans ce format court, offrant un déluge intense d’idées visuelles et d’effets malaisants qui sait s’arrêter avant le trop-plein.



• Petrouchka, Bertrand Mandico (France)
L’histoire : Trois mannequins se retrouvent sous l’emprise d’une créatrice de mode borgne et diabolique.
Pourquoi on l’aime : Commandité par et diffusé au dernier Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, ce moyen métrage musical adapté du ballet de Stravinsky est l’une des moitiés du programme nommé Dragon Dilatation. Mandico débarrasse l’œuvre de tout folklore, transposant l’intrigue dans d’excitants labyrinthes souterrains où, comme dans une Histoire alternative du cinéma européen, se croisent à toute vitesse et en vrac des échos de la guerre en Ukraine, du cinéma expressionniste, du Berlin underground à la Fassbinder où même de l’animation expérimentale.



• The Nature of Dogs, Pom Bunsermvicha (Thaïlande)
L’histoire : Une famille de quatre personnes arrive dans un hôtel du bord de mer. De banales vacances se transforment en une série d’interactions qui trahissent une tension non dite. Le lendemain, dans une grotte abritant des statues de Bouddha, la situation se complique.
Pourquoi on l’aime : On avait déjà pu remarquer Pom Bunsermvicha avec son beau court métrage Lemongrass Girl ; The Nature of Dogs confirme ses grandes qualités. Le film débute comme une chronique familiale assez triviale, avant de prendre une dimension spirituelle en un envoûtant basculement. Mais existe t-il vraiment une bascule dans ce monde où le réel et le mystique cohabitent ? La mise en scène élégante et pudique de Bunsermvicha fait merveille dans cette parenthèse poétique.



• On the Impossibility of an Homage, Xandra Popescu (Roumanie)
L’histoire : Qui est responsable d’un portrait, le peintre ou le sujet ? Ion a été une rockstar de la danse classique de la Roumanie communiste. Lorsque la perspective de lui consacrer un film est évoquée, il est fou de joie. Il a tant rêvé que cela arrive un jour.
Pourquoi on l’aime : L’hommage au danseur Ion Tugearu, comme le suggère le titre du film, est-il impossible ? Comment rendre justice au personnage plus grand que nature que la caméra observe, et à la grande Histoire que son destin éclaire ? C’est par son point de vue, ses ellipses et son travail sur les échelles que le film se distingue. Xandra Popescu compose avec talent un anti-biopic, un ambitieux film de poche et un documentaire hors des conventions.



• On Weary Wings Go By, Anu-Laura Tuttelberg (Estonie/Lituanie)
L’histoire : Un poème d’hiver au charme nordique. Le soleil est bas, les jours raccourcissent. Les oiseaux volent vers le sud, animaux et insectes en porcelaine se cachent du vent glacial et de la neige. Seule une fillette de porcelaine erre dans ce paysage désolé et sans issue.
Pourquoi on l’aime : On Weary Wings Go By est le second volet de la trilogie entamée par Anu-Laura Tuttelberg avec le magnifique Winter in the Rainforest. A la jungle succède un froid paysage nordique dans lequel s’invitent ses fragiles poupées de porcelaine. D’une captivante beauté, On Weary Wings Go By est un chant d’amour à la nature qui invite à la contemplation et la rêverie.



• Soleil gris, Camille Monnier (France)
L’histoire : La piscine est vide, le soleil tape, la tension monte : l’apocalypse écologique annoncée sur les ondes fait soudain irruption dans la réalité.
Pourquoi on l’aime : Ce superbe court métrage d’animation se distingue par une animation intelligemment dépouillée et expressive, ainsi qu’un remarquable sens du détail, du découpage et des dialogues. Le teen-movie mélancolique et la fable apocalyptique se rencontrent sous l’œil aiguisé d’une cinéaste prometteuse qui sait raconter et émouvoir avec quelques mots, quelques couleurs, quelques traits.



• What Mary Didn’t Know, Konstantina Kotzamani (Grèce)
L’histoire : À bord du bateau de croisière le Neoromantica, les retraités ne pensent qu’à boire des Margarita, tandis que la jeune Mary flâne au casino et décroche son jackpot en amour. Sous la fantasque lune égéenne, les mythes grecs rencontrent les Mille et Une Nuits.
Pourquoi on l’aime : C’est un amour de vacances, une histoire sans lendemain. On croit connaître d’avance le programme classique de ce moyen-métrage ensoleillé, mais grâce à un stupéfiant travail sur les couleurs qui pourrait presque évoquer le Barbie de Gerwig, Konstantina Kotzamani décolle progressivement du réel avec force et grâce. Sans naïveté, cette romance vogue entre conte de fées et tragédie mythologique avec une tonalité bien à elle.


Nicolas Bardot & Gregory Coutaut

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