Clap de fin sur la 24e édition de l’Étrange Festival ! Quels ont été les temps forts du cru 2018 ? Éléments de réponse dans notre bilan…
Étranges horreurs
De façon tout à fait naturelle, l’étrange s’est niché dans le cinéma de genre et plus particulièrement dans le cinéma horrifique. Parmi les exemples marquants cette année, citons des films qui, dans des registres assez différents, vont jusqu’au bout de leur cauchemar. On pense au ride sensoriel Meurs, Monstre, Meurs d’Alejandro Fadel (en salles début 2019) ou à la farce démoniaque indonésienne May the Devil Take You de Timo Tjahjanto. Voilà ce qu’on peut attendre de l’Étrange : au-delà des défauts (et May the Devil Take You en a), nous ne sommes pas là pour du cinéma à la mise en scène, à l’écriture ou au ton policé et calibré.
Malgré ses défauts là aussi, Mandy de Panos Cosmatos est le genre de film qui donne tout ce qu’il a, sans se soucier du manque d’huile dans ses ruptures de ton ou du risque de ridicule. The House That Jack Built de Lars Von Trier rentre aussi tout à fait dans cette conception, même si le côté répétitif de l’exercice ôte peut-être au film un peu de son étrangeté. Étrange : comment décrire plus précisément l’assez fascinant Luz. Récit elliptique et séance hypnotique, Luz révèle un jeune cinéaste allemand, Tilman Singer. Même s’il porte la patte reconnaissable de son auteur, Climax de Gaspar Noé a réussi à surprendre avec ce mélange d’incroyable film dansé et de descente aux enfers horrifique et délicieux-bad trip.
Étranges points de vue
L’étrange est aussi une question de point de vue et de personnalité singulière. On a pu le voir là aussi dans l’horreur, avec plus ou moins de succès, comme dans l’anthologie The Field Guide to Evil, composée en partie des courts métrages ambitieux qui ne se limitent pas au fan-service. Mais l’une des marques de fabrique de l’Étrange Festival est d’être alternatif – y compris politiquement. Le regard sur la violence que peut poser un film comme Killing de Shinya Tsukamoto est politique et alternatif, comme le jeu sur la virilité héroïsée dans l’étonnant Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt.
De la même manière, A Vigilante de l’Australienne Sarah Daggar-Nickson détourne avec intelligence les pièges tendus par le vigilante movie autour de son héroïne. Ce retournement alternatif des rôles était également présent dans la jubilatoire rétrospective Nikkatsu Extravaganza, notamment dans le pop et pulpeux Les Tueuses en collants noirs de Yasuharu Hasebe dont le héros qu’on imagine en pur womanizer est finalement le jouet des protagonistes féminins. Le film vient de sortir en dvd chez Bach Films.
Étranges ovnis
Par étrange, on entend également ovni. Les projets les plus fous venaient peut-être de l’animation cette année. Le jouissif et nostalgique Violence Voyager du Japonais Ujicha racontait un cauchemar enfantin avec une technique très particulière évoquant les cinématiques de jeux vidéos rétros. L’ahurissant La Casa lobo des Chiliens Cristóbal León & Joaquín Cociña parvenait à incarner le passé sombre du pays en mêlant animation creepy en volumes et peintures poétiques. De l’étrange, du pur, en voici !
Largement minoritaire en comparaison des nombreux thrillers plus traditionnellement virils qui peuplent la sélection (à l’image du pas du tout étrange The Spy Gone North qui a remporté les prix des deux jurys, sic), le cinéma queer, si possible mal élevé, rentre aussi dans ce que l’Etrange a d’alternatif et d’iconoclaste. Il y a eu par exemple le potache Fags in the Fast Lane, qui compense en partie ses faiblesses par son bon esprit. Mais on pense surtout à une perle rare, dans la sélection 8mm Hachimiri Madness : Happiness Avenue de Katsuyuki Hirano. Cette soucoupe volante totalement folle à la fois clownesque et mélancolique est peut-être l’un des films les plus insensés qu’on ait vus de notre vie.
L’étrange est aussi une question de gestes. Il y a celui, grotesque et poétique, de Coin-Coin et les Z’Inhumains, dans lequel Bruno Dumont relève le défi de surprendre à nouveau après un P’tit Quinquin qui, en la matière, mettait la barre très haut. Il y a celui, unique et risqué, d’Utoya; 22 juillet du Norvégien Erik Poppe. Ce récit du massacre perpétré en Norvège en 2011 pose de bonne questions (de cinéma, de politique) à travers une mise en scène radicale. Rendez-vous le 12 décembre pour le découvrir dans les salles françaises…
Nos critiques
A Vigilante de Sarah Daggar-Nickson
La Casa lobo de Cristóbal León & Joaquín Cociña
Climax de Gaspar Noé
Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt
Fags in the Fast Lane de Josh Sinbad Collins
The Field Guide to Evil – collectif
The House That Jack Built de Lars Von Trier
Killing de Shinya Tsukamoto
Life Guidance de Ruth Mader
Liverleaf de Eisuke Naito
Luz de Tilman Singer
Mandy de Panos Cosmatos
May the Devil Take You de Timo Tjahjanto
Meurs, Monstre, Meurs d’Alejandro Fadel
Utoya; 22 juillet d’Erik Poppe
Violence Voyager d’Ujicha
Nicolas Bardot
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