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Remarquée notamment avec son court métrage Anxious Body qui fut sélectionné à la Quinzaine en 2021, la Japonaise Yoriko Mizushiri est de retour avec Ordinary Life. Dévoilé en compétition à la Berlinale, ce court métrage d’animation présente une étrange chorégraphie de gestes, tous mis en scène au ralenti. Ceux-ci forment une rêverie surréelle, où le découpage délicat donne une vibration étrange au quotidien. Le style unique de la réalisatrice fait une nouvelle fois merveille dans cette expérience aux couleurs tendres. Yoriko Mizushiri est notre invitée.
Quel a été le point de départ d’Ordinary Life ?
Mon précédent court métrage Anxious Body était un film d’animation dans lequel les images se mélangeaient en mettant en scène des mouvements tactiles. Cette fois-ci, je voulais mettre en scène Ordinary Life sous une forme plus développée. Mon objectif était de créer une œuvre dans laquelle le créatrice (moi-même) et le public pourraient partager la joie des sensations qu’ils ressentent avec leur peau.
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Dans quelle mesure diriez-vous que la répétition des actions dans Ordinary Life est une manière de traiter de l’étrangeté de la vie ?
Dans notre vie quotidienne, les changement radicaux sont rares – les choses changent plutôt progressivement, avec des répétitions. De la même manière, l’animation illustre un changement progressif, tout en continuant à dessiner des images répétées à plusieurs reprises. Je le pense d’autant plus que dans mon style d’animation, qui avance lentement, j’en viens souvent à dessiner presque la même image. Je pense effectivement que l’acte de répétition est un point important pour exprimer l’étrangeté, et les fluctuations qui se produisent tranquillement en son sein.
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Le toucher est un sens qui occupe une place centrale dans Ordinary Life, comme c’était déjà le cas dans Anxious Body. Pouvez-vous nous parler de ce motif en particulier ?
Je n’aime pas inclure une histoire claire ou un message dans mes films. J’aime l’existence de la sensation qui serait « juste quelque chose à transmettre », qu’il y ait une histoire ou un message ou non. Je crois qu’il y a une signification dans le fait que l’animation tactile, qui vient de moi et de mon corps, soit transmise d’une manière qui stimule les sens physiques du public. Je souhaite faire de l’animation pour confirmer la sensation et l’existence de la peau.
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Pouvez-vous nous en dire plus sur votre utilisation des couleurs qui est, encore une fois, très expressive, frappante et très subtile à la fois ?
Comme il y a beaucoup de mouvements doux et détendus, j’utilise de nombreuses couleurs claires pour aller avec une telle atmosphère. Cependant, afin de montrer clairement le mouvement de l’animation, les lignes ne doivent pas être difficiles à voir, je fais donc attention à l’équilibre entre les lignes et la surface des couleurs afin qu’aucune ne devienne trop forte.
La lenteur apporte une atmosphère et une sensibilité spécifiques à votre film. Comment avez-vous abordé le rythme en préparant Ordinary Life ?
Je voulais exprimer quelque chose comme la folie qui s’insinue lentement dans le silence, ou l’étrangeté d’être arrivé dans un endroit inconnu sans s’en rendre compte. J’ai alors travaillé à partir d’un son qui correspond au mouvement, et qui s’éloignerait d’un rythme lent et constant. J’ai progressivement construit l’animation et le son en même temps.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 13 février 2025. Un grand merci à Luce Grosjean et Doi Nobuaki.
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