Primé à la Berlinale, à La Roche-sur-Yon et encore aux European Film Awards, Ninjababy sort le 21 septembre en salles. Ce film raconte l’histoire de Rakel, 23 ans, dont la vie bascule lorsqu’elle découvre tardivement qu’elle est tombée enceinte après un coup d’un soir pas particulièrement romantique. Ninjababy est une attachante comédie joyeusement mal élevée qui ne prend pas son jeune public pour des idiots. Yngvild Sve Flikke est notre invitée.
Quel a été le point de départ de Ninjababy ?
Je me demandais s’il était possible de faire une comédie complètement folle sur la grossesse. J’ai moi-même été enceinte deux fois et à chaque fois je l’avais clairement désiré, mais cela reste néanmoins des moments remplis de doutes et de contradictions. Je voulais également utiliser l’animation de façon plus narrative que je ne l’avais fait par le passé. Je me suis souvenue du formidable roman graphique The Art of Falling d’Inga Sætre, qui est paru quatre ans auparavant. Je savais qu’elle était également animatrice et qu’elle serait donc la complice idéale pour donner naissance a ce film. C’est en effet elle qui a signé toutes les animations de Ninjababy.
Comment avez vous trouvé la bonne alchimie entre le sérieux des sujets abordés (la famille, l’avortement, le libre arbitre) et un humour souvent cru ?
Atteindre cet équilibre était mon but dès le départ. J’aime me retrouver dans cet espace-là, tout simplement parce que la vie est ainsi. Les choses peuvent rapidement tourner du sérieux à l’absurde, au rire ou à la folie. L’humour est un outil indispensable pour traverser des périodes difficiles. Inga aussi aime explorer cette zone-là dans son travail, et Johan Fasting, notre scénariste, a très bien compris notre projet lorsqu’il a rejoint l’aventure. Il a apporté tout un tas d’idées hilarantes, dont le personnage de Ninjababy. Dans la vie, il y a très peu de choses à propos desquelles je m’interdis de plaisanter. Tout est une question de timing et d’exécution.
Sur quels critères avez-vous choisi le style visuel des passages animés ?
L’animation c’est magique, tout peut arriver. Je voulais trouver un moyen de mêler animation et prises de vue réelles de manière efficace et drôle à la fois. C’est pour cette raison qu’Inga et moi avons choisi de développer en parallèle l’histoire et l’animation, et ce dès le départ. C’était un moyen pour nous deux de générer non seulement de l’humour mais aussi des émotions plus profondes. C’est une méthode que j’avais déjà l’habitude de mettre en place dans mes précédents travaux, mais jamais avec un personnage entièrement animé.
Inga a dessiné une centaine de fœtus avant qu’on trouve le style idéal. Nous souhaitions qu’au début du film le fœtus soit tout moche et qu’il devienne de plus en plus mignon au fil des scènes. J’ai également demandé à des acteurs d’âges très différents d’essayer de le doubler, avant de trouver la voix parfaite. Hermann Tømmerås était l’acteur idéal pour interpréter cet adolescent arrogant qui vient narguer Rakel avec son honnêteté et ses mauvaises manières, même s’il désire juste être aimé. Il fonctionne aussi comme un révélateur de l’inconscient de Rakel, de façon comique et sérieuse en même temps.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Je puise mon inspiration dans tout un tas de directions différentes, mais les cinéastes vers qui je finis toujours par revenir sont celles et ceux qui s’amusent le plus avec les règles narratives et artistiques : Michel Gondry, Wes Anderson, Miranda July, Yorgos Lanthimos. J’aime également les cinéastes qui parviennent à saisir l’humour et l’ironie du quotidien : Noah Baumbach, Greta Gerwig ou Adam McKay.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Je viens de commencer à regarder la série britannique I May Destroy You you, et j’ai été soufflée par son courage et son honnêteté. Hier soir j’ai vu le film Bad Luck Banging Or Loony Porn, qui a remporté l’Ours d’or à la dernière Berlinale. Je ne sais pas si on peut parler de tout nouveau talent en ce qui concerne Michaela Coel et Radu Jude, mais leurs films sont comme une grande bouffée d’air frais.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 7 octobre 2021.
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