Dans La Confiture de papillons, la réalisatrice d’origine taïwanaise Shih-Yen Huang, désormais basée à Paris, raconte le triste sort des différents animaux de compagnie dont son père n’a pas su s’occuper. En creux, c’est un poignant et singulier portrait familial qui se dessine. Le résultat est inventif, original et révèle une personnalité à suivre. La Confiture de papillons est sélectionné cette semaine au Carrefour du Cinéma d’Animation. Shih-Yen Huang est notre invitée.
Quel a été le point de départ de La Confiture de papillons ?
Je vis seule en France, sans famille auprès de moi. Alors que j’étais malade, j’ai réalisé que si je devais mourir un jour, la dernière trace que je laisserais au monde serait le petit appartement où j’habite à Paris. C’est une location, et j’imaginais ma famille venant de Taïwan jusqu’en France pour nettoyer les dernières traces de ma vie dans ce monde. C’est ce sentiment d’être loin de chez soi. C’est pourquoi j’ai décidé d’explorer le thème de la mort dans cette œuvre.
Quand j’étais enfant, nous attrapions des papillons dans les champs de colza. Deux ou trois cents papillons dans un bocal, c’est trop. Leur forme s’est dissoute en une épaisse poudre d’ailes brisées : c’était une confiture de papillons.
Le passage du temps, d’un animal à l’autre, passe beaucoup par le mouvement perpétuel dans votre animation. Pouvez-vous nous parler du style d’animation choisi pour raconter cette histoire ?
C’est une histoire basée sur la mémoire. J’ai essayé de simuler par le mouvement de la caméra ce que peux signifier le monde du rêve, sans montage, seulement des déformations, pour atteindre un équilibre de puissance et de mouvement dans l’image.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur le contraste exploré par le film entre l’atmosphère très colorée, presque enfantine, et des motifs assez morbides ?
Le personnage du père dans le récit est le point de départ de cet « amour imparfait » – croyant à tort que la possession et la compagnie sont tout ce qu’il y a à aimer. Cet « amour imparfait » repousse l’être aimé loin de lui.
En ce qui concerne les couleurs : toute l’animation est une transition entre le bleu du début et le rouge de la fin. Bleu – violet – rouge. Au fur et à mesure que les couleurs progressent, elles montrent les différentes étapes du développement du protagoniste, son environnement et son état d’esprit. La couleur bleue montre la forte humidité de l’air taïwanais et le ciel gris-bleu avec ses épais nuages. Le violet montre les excès du bleu avec le rouge entre les deux. Le rouge est un reflet du temps sec et du soleil chaud de la France.
Concernant les animaux : les animaux de compagnie donnent à la plupart des gens leur première leçon sur la mort. L’arrivée et le départ de différents animaux sont au centre de cette histoire. Tout le monde a eu des animaux de compagnie différents au cours de ses jeunes années, et j’espère qu’en ne présentant pas un animal spécifique, le spectateur pourra s’identifier aux animaux qu’il a eus.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Les films du réalisateur Japonais Shuji Terayama m’inspirent beaucoup. J’ai d’abord étudié la peinture à l’huile à l’école. Un jour, j’ai regardé une conférence de Georges Schwizgebel sur Youtube et j’ai eu l’envie de découvrir l’animation.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Paris est une ville de possibilités, avec un large éventail d’expositions et d’événements artistiques pour ouvrir les yeux vers de nouveaux horizons. Le court métrage de Une nuit douce réalisé par Qiu Yang est très mémorable pour moi. Je l’ai vu au Festival du film de Clermont-Ferrand et et il m’a vraiment frappée.
Découvrez La Confiture de papillons ci-dessous :
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 28 avril 2022. Un grand merci à Estelle Lacaud. Crédit portrait
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