A mi-chemin entre le mélodrame fantastique et l’installation d’art contemporain, Je te tiens de l’Espagnol Sergio Caballero raconte l’étrange road movie d’une mère et de sa fille qui se demandent sur la vie vaut la peine d’être vécue. Ce fascinant ovni est sélectionné parmi les courts métrages de la Quinzaine des Réalisateurs. Sergio Caballero nous en dit plus sur ce film hors normes…
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Quel a été le point de départ de Je te tiens ?
Le point de départ, comme pour beaucoup de mes films, a été l’élaboration du visuel créé pour la nouvelle édition du Festival Sónar. A la différence que cette fois-ci je savais que je voulais faire un « vrai » drame. Je te tiens est mon premier road movie ; c’est un drame dont l’histoire est menée par une mère et sa fille, se demandant si cela vaut le coup de vivre dans ce monde. Je souhaitais également rendre hommage au film noir hollywoodien, avec des projections arrières comme Hitchcock en utilisait. Il n’y a pas d’écran vert dans ce film, tout est fait à base de projection arrière.
Comment avez-vous travaillé sur le décor de votre film, qui joue un vrai rôle narratif ?
C’est exactement cela, le paysage vu en dehors de la voiture mais aussi tout le décor font autant avancer la narration que les dialogues. Je voulais travailler sur deux échelles en même temps (la petite échelle des maquettes et la grande échelle de la voiture et des actrices), et montrer cette construction sans endommager l’effet visuel.
L’endroit où nous avons tourné faisait 6 mètres sur 2. Dans cet espace réduit, nous avons créé tous les différents mondes que vous voyez dans le film – et à vrai dire le lieu de tournage lui-même pourrait faire office d’installation d’art contemporain. En travaillant ainsi, il a été possible de créer des mondes bizarres et impossibles, avec un va-et-vient du récit entre ces mondes sans se perdre. Le travail sonore est également fondamental ; il fallait créer une atmosphère oppressante qui devait exprimer la relation difficile entre la mère et sa fille.
Seriez-vous d’accord si je vous disais que plus vous utilisez des outils artificiels pour raconter l’histoire, plus on se rapproche des émotions des personnages ?
Je pense que c’est une bonne idée de parler de la nature de l’artifice. Pour moi, le cinéma actuel avec ses histoires ennuyeuses est bien plus artificiel que tout cela. A mes yeux, pour transmettre une émotion, il ne faut pas la jouer mais la vivre. Dans Je te tiens, les actrices n’ont pas travaillé à partir d’un scénario, je leur ai donné des directions et elles ont improvisé leurs dialogues. D’une certaine manière, elles ne jouent pas et leurs performances sont très réelles.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Andrei Tarkovski, David Lynch et des films pour enfants comme Kung Fu Panda.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
J’aime beaucoup le Japonais Yuichi Yokoyama qui est un dessinateur de manga.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 20 mai 2019. Un grand merci à Georgia Taglietti et Catherine Giraud.