Preoperational Model commence comme un conte enfantin avec des créatures anthropomorphiques au design un peu bizarre, avant de basculer dans un récit méta et mélancolique sur des histoires sans fin ni issues de secours. En n’utilisant rien d’autre que des images de synthèse, Philip Ullman, originaire de Suède, parvient à assembler un mini-puzzle vertigineux sur la solitude humaine. Cette rêverie animée qui figure dans notre dossier consacré aux meilleurs courts du récent Festival de Rotterdam est cette semaine en compétition au Festival d’Annecy.
Quel a été le point de départ de Preoperational Model ?
La psychologie de l’enfant, le jeu de rôle et la logique. Le titre du film est tiré de l’expression « stade préopératoire », un stade du développement cognitif, où les enfants pensent à un niveau symbolique mais n’utilisent pas encore la logique. Les frontières entre ce qu’une chose est et ce qu’elle n’est pas, ainsi que l’individualisation personnelle ne sont pas encore complètement formées à ce stade, et l’enfant fait souvent des jeux de rôle pour comprendre son environnement.
Qu’est-ce qui vous pousse à utiliser des figures animales pour parler de la condition humaine, comme vous l’avez fait dans What Dying Feels Like ou Preoperational Model ?
L’une des raisons est que je veux parler de l’empathie et de la construction de l’empathie dans mes films, quelque chose qui est très présent dans les relations entre les animaux et les humains. En utilisant des créatures anthropomorphes qui existent quelque part entre l’humain et l’animal, j’essaie de déstabiliser la capacité du spectateur à placer les personnages et à s’identifier à eux. Espérons que les spectateurs vivront une expérience qui les fera remettre en question leurs expériences ainsi que ce qu’ils projettent sur d’autres êtres humains (et non humains) après avoir vu le film.
Une autre raison est qu’en sortant du corps humain, il m’est plus facile de faire des recherches sur ce que signifie être humain, plutôt que de montrer un humain. Je pense que l’expérience et l’aspect émotionnel de l’humanité peuvent être discutés dans une plus grande mesure lorsque nous voyons que ce n’est pas un humain à l’écran.
Pouvez-vous nous parler de cette structure dans laquelle différents contes se font écho ?
Je voulais parler des liens entre le jeu de rôles dans l’enfance et le fait d’être un adulte socialisé. Comment le fait d’avoir été élevé avec certaines idées et certains cadres peut conduire à certaines réalités. Comment le jeu et la réalité sont liés.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
J’ai récemment vu pour la première fois L’Esprit de la ruche de Víctor Erice et j’ai été vraiment inspiré. Je pense qu’il parvient à capturer très précisément l’expérience à la fois dramatique et illogique d’être en vie, tout en mettant le public dans la peau d’une enfant d’une manière qui n’est pas infantilisante.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?
Je ne suis pas sûr. J’adorerais voir plus de films de réalisateurs trans bien financés.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 12 février 2024. Un grand merci à Jade Wiseman.
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