Berlinale | Entretien avec Nelson Yeo

Après s’être déjà distingué tout récemment au Festival de Rotterdam avec Durian, Durian qui figure dans notre dossier des meilleurs courts métrage de cette édition, le Singapourien Nelson Yeo fait coup double avec le flamboyant Through Your Eyes, en compétition courts à la Berlinale. Dans ce film aux couleurs chatoyantes, des personnages se retrouvent à l’intérieur d’une boîte de nuit qui semble cacher un secret. La bande sonore est enveloppante et les idées visuelles sont séduisantes dans cette petite perle imprévisible. Nelson Yeo, que nous avions déjà rencontré pour son long Dreaming & Dying, est notre invité.


Quel a été le point de départ de Through Your Eyes ?

Le point de départ du film a été une phrase que j’ai écrite : « Peut-être qu’à travers tes yeux, je verrai les choses différemment ». À partir de là, j’ai imaginé un voyage à travers les yeux de plusieurs personnages, raconté à travers une série de vignettes. Ce n’est que lorsque nous avons découvert la boîte de nuit nommée Hawaï lors de notre recherche de lieu de tournage que le lien entre les quatre personnages est devenu clair pour moi.



Le décor joue un rôle important dans la narration de Through Your Eyes, pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous avez travaillé sur cet élément ?

Le Hawaï Night Club est probablement le plus ancien club de Singapour, puisqu’il existe depuis les années 70. Aujourd’hui, il est devenu une sorte de havre de retraite pour ses clients âgés, un lieu figé dans le temps. Nous voulions que l’espace lui-même émerge comme un personnage central du film, son histoire et son atmosphère façonnant l’histoire.



Le travail sur la cinématographie est très différent entre Durian, Durian (qui vient d’être montré au Festival de Rotterdam, ndlr) et Through Your Eyes. Pouvez-vous nous dire comment avez adapté le style visuel à des histoires qui ont des tons et des atmosphères différents ?

Dans Durian, Durian et mon long métrage Dreaming & Dying, l’utilisation des zooms a toujours complété les dialogues, en maintenant une certaine distance. Mais avec Through Your Eyes, nous voulions essayer quelque chose de différent, nous rapprocher des personnages, presque regarder dans leur âme. Les zooms de ce film aident à établir un lien plus profond entre les personnages. De plus, les choix d’éclairage audacieux ont été inspirés par de vieilles photos des clubs que j’ai découvertes au cours de mes recherches, ce qui a guidé une grande partie du style visuel.



Vous avez indiqué que vous n’aviez pas travaillé à partir d’un scénario traditionnel pour réaliser Through Your Eyes – comment avez-vous abordé les différents tons qui se trouvent parfois dans une même scène ?

Nous n’avons pas travaillé à partir d’un scénario traditionnel pour Through Your Eyes, mais plutôt à partir d’une simple liste de plans associée à de vieilles photos du club comme point de départ. Il y a des scènes dans le film qui sont complètement improvisées, inspirées par l’espace lui-même pendant le tournage. Je n’ai pas trouvé que les changements de ton dans les scènes posaient un problème parce qu’ils semblaient très naturels. Les acteurs réagissaient à l’espace et au moment, et ces changements semblaient faire partie de cette réaction, presque comme si l’espace lui-même influençait l’ambiance de la scène.



Dans quelle mesure Through Your Eyes peut-il être considéré comme une histoire de fantômes ?

Nous avons tourné le film pendant le Hungry Ghost Festival de Singapour. La première journée a été difficile : beaucoup de choses ne se sont pas déroulées comme prévu et certains équipements ont mal fonctionné. Le deuxième jour, nous avons décidé de prier et d’offrir des offrandes avant de commencer. Ça a marché. Nous avons rattrapé le temps perdu et, plus important encore, nous avons appris à respecter l’espace dans lequel nous nous trouvions. En fait, bon nombre des meilleures improvisations sont venues de ce jour de tournage. D’un point de vue créatif, le film a toujours été consacré à un espace liminal, un purgatoire où les humains et les esprits coexistent.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 20 février 2025. Un grand merci à Flavio Armone.

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