Festival du Film Coréen | Entretien avec Kwon Min-Pyo & Seo Hansol

Short Vacation, qui figurait dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année, est le premier long métrage des Coréens Kwon Min-Pyo et Seo Hansol. L’une des très belles découvertes du Festival de Busan, également sélectionnée à la Berlinale, figure au programme du Festival du Film Coréen cette semaine. Des collégiennes, pour un devoir d’école, doivent prendre des photos évoquant la fin du monde, armées d’antiques appareils photos jetables. Porté par l’exaltante promesse d’un moment d’école buissonnière, ce road-movie de poche s’égare sur le plus charmant et mélancolique des itinéraires bis. Kwon Min-Pyo et Seo Hansol sont nos invités.


Quel a été le point de départ de Short Vacation ?

Seo Hansol : J’ai écrit la première ébauche. La société coréenne contraint les jeunes à atteindre des objectifs dans un cadre fixé. Mais la réalité, c’est que même s’ils atteignent leur objectif, ils n’obtiendront pas ce qu’ils veulent. Ils ne savent plus où aller, et errent pour parfois trouver un sens inattendu dans des endroits inattendus. Il s’agit d’une structure typique des road movies, mais en même temps, j’ai pensé que c’était une histoire qui pouvait montrer des aspects de la société coréenne.

Kwon Min-Pyo : Pour moi, Short Vacation a commencé quand on m’a proposé de co-réaliser le film avec Seo, qui a organisé l’histoire, et je me suis tout de suite intéressé au projet. Le point le plus intéressant pour moi c’était ce voyage que des collégiennes allaient faire ensemble. Je vivais dans une région rurale à leur âge, et il m’aurait fallu beaucoup de courage pour partir vers une autre région. C’était impensable pour moi. C’était intéressant de noter que des jeunes vivant à Séoul pouvaient facilement aller si loin rien qu’en métro.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre utilisation des photographies dans votre film ? Pourquoi avez-vous choisi d’insérer ces images prises par les protagonistes ?

KMP : Il m’est arrivé d’enseigner la photographie à des à des collégiens. Ils ne connaissaient rien à la pellicule, alors j’ai décidé de leur parler un peu des appareils photos que j’utilisais quand j’étais plus jeune. Je leur ai donné des appareils pour un devoir à la maison, et il y a eu une exposition avec leurs photos lors des vacances d’hiver. Sur la plupart de ces images, il y avait leurs camarades, leurs animaux. Deux ans plus tard, lors de l’écriture du scénario, je me suis rendu compte que ces adolescentes de 14 ans avaient le même âge que ces collégiens à qui j’avais enseigné la photo dans le passé. J’ai pensé qu’il serait intéressant de voir ce genre d’image désormais inhabituelle de photo argentique dans le film.

Il y a deux raisons principales pour lesquelles nous avons décidé d’inclure des photos prises par les personnages. Tout d’abord, présenter au public ce sur quoi portait le regard de ces jeunes. Deuxièmement, montrer la photographie comme la capture d’un temps et d’un espace qui appartiennent au passé et sur lesquels on ne peut plus revenir. C’est un moment mort et irréversible qui n’existe plus. Et je pense que c’est ça, la « fin du monde » que ces adolescentes recherchent.

Comment avez-vous choisi ces lieux de tournage, avec toutes ces maisons qui semblent vides ou abandonnées, comme si la fin du monde était réellement arrivée ?

KMP : Le choix de ces lieux est à la fois le résultat d’une recherche à long terme, et d’une découverte très spontanée. Certains endroits ont été trouvés à l’avance, mais il y a aussi des endroits où les héroïnes se perdent ou passent qui sont des lieux qu’elles viennent juste de trouver par hasard. Le changement de lieu a également été l’un des moyens de souligner la différence entre la grande ville de Séoul dont elles viennent et la campagne. Cette différence concerne non seulement l’espace, mais aussi le contraste entre le bruit dans la ville et les sons de la nature, ce qui était important.

SH : Nous avons choisi cet endroit principal de tournage tout simplement parce que c’était le dernier arrêt le plus éloigné de Séoul. En raison de la forte concentration de zones métropolitaines en Corée, l’écart entre les grandes villes et les zones rurales est important. Comme la population jeune est principalement concentrée dans les grandes villes, les zones rurales ont une population comptant de nombreuses personnes âgées et il y a aussi de nombreuses maisons vides. Pour cette raison, la campagne ressemble à un endroit abandonné. Il n’y avait pas de considération sociale ou fantastique, mais que ce choix de décors soit vu ainsi nous intéresse.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

KMP : J’admire beaucoup de cinéastes, mais mon préféré est Hou Hsiao-Hsien. En préparant Short Vacation, son film Un été chez grand-père m’a été très utile.

SH : J’adore également Hou Hsiao-Hsien. Mais le cinéaste qui m’a le plus inspiré lors de l’écriture du film est Shinji Somai. Je pense que c’est le meilleur réalisateur pour ce qui est de montrer la puberté et des personnages qui grandissent.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?

KMP : Récemment, j’ai vu Self-Portrait 2020 de Lee Dong-woo au Festival de Busan, Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas assis pour voir un film de 3 heures, en ne me concentrant que sur l’écran. En revenant à l’hôtel ce jour-là, les images et les conversations des sans-abris qu’on voit dans le film sont restées dans ma tête.

SH : Cela me rappelle An Elephant Sitting Still de Hu Bo que j’ai vu au cinéma l’année dernière. Je me souviens avoir été incapable de penser à autre chose que la lumière profonde de ce long métrage pendant les jours suivants.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 10 novembre 2020.

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