Entretien avec Juichiro Yamasaki

Dévoilé en compétition au Festival de Rotterdam et sélectionné à l’ACID, Yamabuki est un film dont l’élégance et la pudeur sont autant de petits trésors. A l’occasion de la sortie du film ce mercredi 2 août, son réalisateur, le Japonais Juichiro Yamasaki, est notre invité. Il revient pour nous sur cette chronique rurale, sensible et politique.


Quel a été le point de départ de Yamabuki ?

Cela faisait un certain temps que je n’avais pas réalisé de film, et un sentiment particulier m’est apparu au moment où Tokyo a été choisi pour accueillir les Jeux Olympiques. Il y a eu au Japon une volonté de générer un grand élan collectif, mais au final cela a plutôt engendré de la colère et du stress. Cela m’a fait me poser des questions. Je me demandais où on en était en tant que société. Face à ces sentiments négatifs, je ne voulais pas rester silencieux ou les bras croisés. Je voulais dire quelque chose. Je ne sais pas si le film est une réponse à tout cela mais c’est sans doute le cas.



Qu’est-ce qui vous a poussé à tourner dans ce coin particulier du Japon ?

L’histoire aurait pu se dérouler ailleurs sans avoir besoin d’être modifiée, mais il se trouve que c’est là que je réside. Je vis ma vie quotidienne dans cette petite ville, et tous les jours je pense aux films qu’elle m’inspire. C’est comme un plateau de tournage grandeur nature. J’ai donc demandé à tout le monde de bien vouloir me rejoindre sur mon lieu de vie, tout simplement.



Pourquoi avoir choisi de tourner en 16mm ?

J’ai d’abord envisagé différentes options, mais ce qui était sûr c’est que je voulais faire quelque chose de différent de mon précédent film. J’avais envie d’utiliser le 16mm mais ce n’était pas d’emblée par conviction. J’ai soupesé différents aspects et finalement cela m’a paru convenir au film. Le 16mm permet de capturer une certaine âpreté, quelque chose de brut. C’était précisément ce que je cherchais à retranscrire. Il y avait une affinité entre les lieux où je tournais et l’image. Je pensais que ce choix allait me limiter et me contraindre techniquement mais ce fut finalement l’inverse, je me suis senti davantage libre sur le plateau.



Davantage libre dans quel sens ?

Économiquement, la situation est difficile en ce moment pour beaucoup de ce type de productions au Japon. Utiliser le 16mm nous a permis de tourner des scènes plus longues, pour lesquelles nous n’aurions pas eu suffisamment de budget autrement. Nous pouvions faire durer certaines scènes, et ainsi faire venir plus d’émotion. Cela a donc directement influencé l’écriture du scénario, car il y a des choses que l’on n’aurait pas pu filmer. Puis, sur le plateau, la légèreté apportée par le 16 mm signifie que toute l’équipe se sentait libre d’apporter ses idées et suggestions. Cela donnait également une motivation supplémentaire aux acteurs.



Qu’est ce qui vous a guidé dans le choix de la musique du film?

Au départ, je souhaitais ne pas utiliser de musique du tout, puis j’ai changé d’avis. C’est le Français Olivier Deparis qui a composé la musique et je trouve qu’il a fait un excellent travail. C’était la première fois que je travaillais avec la France. Les producteurs et moi avons beaucoup parlé du rôle de la musique en général et spécifiquement sur ce film. Je voulais éviter que la musique prenne trop de place et en dise trop. Là encore, je voulais capturer une simplicité brute. J’avais d’ailleurs le même ordre d’idée pour les passages animés du film. Je souhaitais que la musique donne l’impression qu’un ange innocent était en train de jouer. Je voulais également qu’elle évoque un conte et que par conséquent elle amène le film davantage sur le terrain de la fiction. Je crois qu’Olivier et moi sommes parvenus à cet effet.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Je n’aime pas trop citer la liste de mes cinéastes préférés. Mais disons que sur ce film, deux références me sont beaucoup revenues à l’esprit, même si je ne les oublie jamais vraiment : Robert Bresson et Ozu. Par moment je me suis inspiré directement de certains de leur films.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, de voir quelque chose d’inédit ?

Je dirais Parvana de Nora Twomey. J’ai des enfants et je regarde donc beaucoup de cinéma d’animation avec eux. Cela m’apporte beaucoup d’inspiration et d’idées, c’est notamment le cas de ce film.



Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 31 janvier 2022. Un grand merci à Brigitta Portier.

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