C’était l’un des grands éclats de rire du dernier Festival de Rotterdam. VHYes raconte, façon found footage, l’histoire d’un gamin des années 80 qui découvre le pouvoir magique de la VHS. Il se met à filmer et enregistrer n’importe quoi, et le film nous propose de voir l’hilarant résultat. Son jeune réalisateur, l’Américain Jack Henry Robbins, est notre invité de ce Lundi Découverte.
Vous êtes né en 1989. Qu’est-ce qui vous a donné envie de rendre hommage à une époque que vous n’avez pas connue ?
J’ai toujours été fasciné par l’époque de la VHS. Dès mon plus jeune âge, je collectionnais toutes les vidéos les plus étranges que les boutiques mettaient à disposition. De Yoga with Cats aux vidéos étranges sur l’art de la maison, aux films amateurs et bricolés – j’ai adoré tous ces étonnants joyaux.
Je pense qu’avec la VHS, c’ était la première fois que n’importe qui, pour le pire et pour le meilleur, a pu créer ses propres émissions de télévision. N’importe qui pouvait présenter n’importe quoi au public, que ce soit de la musique punk, ou des prédictions astrologiques. Cela a conduit à certains des contenus les plus étranges et les plus étonnants qu’on puisse voir. J’adore ça. D’une certaine manière, la VHS a été le premier Youtube.
Personnellement, j’ai beaucoup exploré et expérimenté plus jeune avec une Mini-DV. Et même si j’étais un peu en décalé avec cette époque, j’ai fait ce que Ralph fait dans ce film, avec une technologie juste un peu améliorée.
A mes yeux, votre film parle de nostalgie mais aussi d’utopie. Dans quelle mesure diriez-vous que reproduire les images des années 80, c’est aussi les fantasmer ?
A vrai dire il était de toute façon impossible de copier précisément un style, car il existait autant de caméras VHS à cette époque qu’il y avait d’esthétiques différentes. Nous avons filmé avec un type de caméra VHS et une Beta Cam. Nous avons essayé de copier cette époque autant que possible, mais d’une certaine manière en la soumettant à une production moderne, comme une fuite hors de contrôle.
Comment avez-vous sélectionné les différents types de programmes et d’images qu’on voit dans VHYes ?
Nous avons d’abord fait un brainstorming sur ce qui existait uniquement en VHS. Le porno, le télé-achat, la musique punk, etc… Puis mon co-scénariste Nunzio et moi-même sommes allés filmer en ville pour apporter notre propre point de vue. En ce qui concerne la structure du film, nous savions que ce qui passait à la télévision dicterait la vie des enfants. Que ce soit la peur, que ce soit le sexe. Tout comme aujourd’hui : ce qui passe sur le câble est comme le subconscient d’un temps.
Je voulais aussi créer une comédie avec différentes strates. Quelque chose qui à mon sens n’avait encore jamais été fait. La structure du film est une chose très délicate. Nous devions raconter une histoire naturellement. Et on devait la découvrir comme si ses divers composants avaient été compilés sur VHS par un enfant de 12 ans.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Mes préférés qui me viennent directement à l’esprit sont Hal Ashby, Paul Thomas Anderson, les frères Coen, Robert Altman, Jean-Luc Godard, Wes Anderson. Tous ces réalisateurs sont différents et ne font pas toujours ce qu’on peut qualifier comme de la comédie. Mais dans leurs films, il y a toujours quelque chose de neuf et d’inédit. L’un de mes films préférés lorsque j’étais plus jeune était Masculin féminin de Godard. J’étais fasciné par sa façon de représenter une époque et de mélanger fiction et documentaire. Et l’interprétation est parfaite.
En grandissant, je me suis mis à aimer l’aspect romantique des films de Wes Anderson, son utilisation de la musique et de la couleur. Et Hal Ashby avec Bienvenue, Mister Chance et Harold & Maude m’a donné un aperçu d’un cinéma qui m’était inconnu et j’avais envie de faire quelque chose comme ça.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
C’était avec le film Amours chiennes de Alejandro Gonzalez Inarritu. Ce n’est pas un nouveau film, mais je ne l’ai découvert que cette année. La partie du film où soudainement on suit sans explication ce couple aisé m’a époustouflé. Le contraste de classes et si frappant. Et puis la suite bien sûr. Cela m’a évoqué Parasite de Bong Joon-Ho. Ce sont les types d’histoires qui ont besoin d’être racontées aujourd’hui.
Je citerais également les films Samsara et Baraka de Ron Fricke qui possèdent en eux une vérité que seules les images peuvent transmettre. Pour moi, ils font partie des meilleurs films jamais faits.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 4 février 2020. Un grand merci à Gloria Zerbinati.
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