Festival de Cannes | Entretien avec Inês Lima

Sélectionné en première mondiale à la Quinzaine des Cinéastes, The Moving Garden (O jardim em movimento) est une promenade sensorielle tout en zigzags dans un jardin merveilleux, une visite guidée dont on ressort avec l’impression d’avoir assisté à des éclosions secrètes et magiques. C’est un nouvel exemple de la vitalité d’un cinéma portugais onirique et ludique. The Moving Garden figure dans notre dossier consacré aux meilleurs courts de Cannes. La réalisatrice Inês Lima est notre invitée de ce Lundi Découverte.


Quel a été le point de départ de The Moving Garden ?

Je dirais que The Moving Garden a fini par être assemblé à la façon d’un puzzle, progressivement, à partir de diverses pièces rencontrées par hasard en cours de route. Le processus de création de ce film a été intrinsèquement lié au lien profond et personnel que je possède avec le parc naturel de la Serra da Arrábida. Cette région fait partie du district où j’ai vécu toute ma vie, elle a été témoin de ma propre croissance et de mes propres expériences. C’était à mon tour de l’observer cette-fois, et ce à travers différent prismes.



Vous parvenez à passer du réalisme à la magie simplement par la façon dont vous utilisez la lumière et les couleurs. Pouvez-vous nous en révéler davantage sur vos méthodes de mise en scène ?

Je ne pense pas avoir de méthode consciente de faire les choses. Certaines idées demandent une approche plus visuelle, tandis que d’autres résident uniquement dans le paysage sonore. Parfois, il s’agit simplement d’un échange de regards entre deux personnages. En fin de compte, tous ces éléments se réunissent pour créer un petit monde spécifique. C’était inhérent au scénario mais cela a été développé au montage, notamment par l’utilisation d’effets sonores et visuels, qui ont fini par être bien kitsch. En fait, je pense que le très petit budget du projet a probablement influencé cette esthétique, car nous avons dû embrasser pleinement les effets visuels kitsch, idiots et chaotiques que nos ressources limitées permettaient.



Une forêt magique est un décor généralement associé aux contes de fées, les contes de fées ont-ils été une source d’inspiration pour ce film ? Pourrions-nous considérer The Moving Garden comme une sorte de conte de fées ?

Je ne suis pas certaine d’avoir débuté avec cette intention-là à l’esprit, mais je suis heureuse que le film ait finalement évolué dans cette direction. En général, je m’inspire beaucoup du folklore, de l’histoire orale et des fables. Ces éléments imprègnent fréquemment mon travail, et opérer dans cet espace invite naturellement à de telles perspectives en raison de son énergie mystérieuse inhérente. L’un des objectifs centraux du film était de créer un espace qui observe les humains, ce qui a conduit à sa transformation en un récit semblable à une fable.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent le plus ?

C’est drôle car, pour ce film, mes inspirations étaient davantage issues de la littérature et de la photographie que du cinéma. Je suis profondément attirée par le monde du cinéma expérimental des années 1960 et 1970 aux États-Unis, comme les œuvres de Maya Deren, Kenneth Anger, Barbara Hammer et Marie Menken, pour n’en nommer que quelques-un.e.s. Cependant, pour ce projet, j’ai été particulièrement inspirée par Bait de Mark Jenkin, en particulier son processus de réalisation. Il a filmé exclusivement avec une Bolex, n’utilisant que des pellicules de 30 mètres à chaque fois, et a travaillé avec une très petite équipe. Bien que j’aime le film lui-même, j’ai été particulièrement fascinée par la méthode et l’expérience qu’il a adoptées avec ce format de travail.



Quel est le dernier film que vous avez vu et qui vous a donné l’impression de voir quelque chose de nouveau, d’inédit ?

Ironiquement, chaque fois que je ressens cela, ce n’est jamais en regardant quelque chose de contemporain. Je pense que cela s’est produit récemment avec des films réalisés il y a 40 ou 50 ans et qui communiquent avec moi à un niveau différent. Ce n’est pas que je voie quelque chose de « nouveau », mais plutôt quelque chose qui me touche d’une manière spéciale et profonde. Je me souviens avoir ressenti cela avec un court métrage hongrois de 1977 intitulé l Like Life a Lot, ainsi qu’avec des courts métrages de Kiarostami que je n’avais jamais vus auparavant. Plus récemment, j’ai été captivée par Bait de Mark Jenkin et Contes du hasard et autres fantaisies de Ryūsuke Hamaguchi. Je me souviens aussi d’un court métrage vraiment fou et drôle de Kleber Mendonça Filho intitulé Green Vinyl, c’était sauvage !



Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 30 mai 2024.

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