Entretien avec Giuseppe Carrieri

Notre Lundi Découverte est cette semaine dédié à l’Italien Giuseppe Carrieri. Sélectionné en début d’année à l’excellent festival documentaire CPH:Dox de Copenhague, Hanaa raconte les histoires de quatre jeunes filles d’Inde, du Nigeria, du Pérou et de Syrie. Des destins reflétant les conditions inhumaines qu’endurent de nombreuses jeunes femmes aujourd’hui… Hanaa est un documentaire poignant qui se questionne également sur la place de la beauté dans une telle horreur. Rencontre avec son réalisateur.

 

Quel a été le point de départ de Hanaa ?

C’est toujours difficile de déterminer le moment où le projet du film naît. Après mon précédent film, In Utero Srebrenica, où je m’intéressais aux histoires de mères, j’ai voulu déplacer mon attention vers les enfants. Finalement, Hanaa va plus loin que ça. Hanaa est un film à propos d’enfants qui ont déjà fait l’expérience de ce que signifie être un adulte. J’ai commencé à me renseigner au sujet des mariées mineures, des enfants-mères. Et après eu différents contacts avec l’Unicef, Médecins sans frontières et d’autres ONG, j’ai compris que je souhaitais traiter d’autant de pays que possible afin d’exprimer l’aspect global de cette histoire.

Le film commence par cette citation du Talmud, « Dieu compte les larmes des femmes ». Pourquoi avoir choisi cette citation en particulier ?

J’ai choisi cette citation parce que chaque femme compte. Dans chaque pays que j’ai visité, j’ai trouvé d’incroyables histoires de femmes. A notre époque, ce sont elles qui incarnent la meilleure expression de l’humanité.

Comment avez-vous choisi les jeunes filles qu’on voit dans Hanaa ?

Je les ai trouvées en explorant différents pays. J’ai reçu beaucoup d’aide de la part des ONG qui m’ont aidé à aller droit au but. Elles m’ont aidé à construire des relations, mais au bout du compte je peux dire que ce sont les protagonistes du film qui m’ont trouvé. Le sens de notre travail, ce n’est pas juste de raconter des histoires, mais d’aller à la rencontre de gens et il n’y a pas de secret ou de mécanisme pour expliquer comment ça se passe. Parce que c’est tout naturel.

Hanaa est un film sur les jeunes filles, mais est-ce aussi pour vous un film sur les hommes ?

La meilleure image au sujet des hommes dans le film est la dernière. Lorsqu’on voit la « Hanaa » indienne marcher auprès de tous ces corps endormis. Parfois elle les enjambe, et elle se libère. Les hommes ne peuvent que fermer les yeux, ils ne peuvent pas faire face à la réalité. C’est ce que je pense d’eux.

Votre film parle d’histoires terribles, mais questionne aussi la place de la beauté dans une telle horreur. Comment avez-vous abordé le travail visuel pour raconter ces histoires ?

La beauté est nécessaire. J’aime les gros plans. Dans mes histoires, il y a toujours un moment où vous pouvez être près de mes personnages. Parce que vous devez partager leurs sentiments. Mon style est anthropocentrique, je ne peux m’empêcher de me focaliser sur les gens. On peut trouver un monde en eux, et derrière chaque regard il y a de l’ombre et de la lumière.

Quels sont vos cinéastes favoris ?

Mes réalisateurs favoris sont Roberto Rossellini, Abbas Kiarostami et Martin Scorsese. Rossellini m’a appris l’importance du réel. Kiarostami est le créateur d’une poésie simple. Scorsese est capable de montrer la beauté de l’homme ordinaire.

Quelle est la dernière où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf ou de découvrir un nouveau talent au cinéma ?

Je vois plein de films tous les jours… et je ne me souviens pas du dernier. Mais je conseillerais de voir Dogman de Matteo Garrone, un réalisateur italien que j’adore. Par ailleurs, le documentaire Isis tomorrow. The last souls of Mosul de Francesca Mannocchi and Alessio Fiorenzi est une très intéressante découverte.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 29 septembre 2018.

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