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Lors du « Jour des enfants », Xuan, une écolière timide, va avoir le droit comme ses camarades de porter la tenue qu’elle veut à l’école. Mais cette simple permission devient un sac de nœuds dans l’existence de la fillette. Dans Children’s Day, la Singapourienne Giselle Lin explore l’émouvant contraste qui se trouve entre le cocon rose dans lequel vivent des jeunes filles et les cruautés qu’elles doivent affronter, à la maison ou à l’école. Giselle Lin nous en dit davantage sur cette réussite sensible, en compétition courts métrages à la Berlinale.
Quel a été le point de départ de Children’s Day ?
J’ai grandi dans une famille de cinq filles et un garçon. Si vous me demandez de fermer les yeux et de vous décrire une scène de l’époque où j’avais huit ans, je peux le faire dans les moindres détails. Je me souviens de ce que mes sœurs et moi faisions après l’école, je peux vous dire la marque de goûters que nous aimions manger, nos tailles exactes à l’époque, à quelle porte de l’école j’attendais mes sœurs pour que nous rentrions à la maison ensemble, la façon dont le soleil se couchait toujours dans notre chambre d’enfant (nous 5 les filles partagions une chambre), à quel point ma meilleure amie était jolie et soignée à l’école tous les jours, comment ma mère faisait les tâches ménagères avec notre petit frère accroché à elle, l’odeur de l’après-rasage de mon père lorsqu’il nous sermonnait tard dans le soir. Je pourrais continuer encore et encore.
Tout me semble toujours aussi proche parce que je me sens toujours comme cette fille de huit ans la plupart du temps. Je pense donc que le point de départ de Children’s Day, c’était un désir de préserver tout ce qui est encore tangible pour moi (les textures, les odeurs et les goûts) de mon enfance, afin qu’un jour, si je l’oublie, je puisse regarder le film et me le rappeler.
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Il y a quelque chose de très rose et mignon dans l’esthétique de votre film, bien qu’il raconte une histoire dure et parfois cruelle. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce contraste et votre approche visuelle ?
Je pense que c’est le reflet de la façon dont je me suis débrouillée en tant que fille. Même si j’ai grandi avec ce genre de cruauté et de douleur, je me suis échappée avec mon imagination et j’ai quand même trouvé beaucoup de bonheur et de beauté dans le kitsch, le banal et le girly. J’ai collecté beaucoup de bibelots et je les ai réimaginés comme des trésors. Oui, ça peut être un peu triste, mais je pense qu’il y a aussi quelque chose d’assez doux là-dedans.
Dans ce genre de récit d’apprentissage, les protagonistes doivent généralement apprendre à être forts dans un contexte difficile. J’ai eu le sentiment que Xuan, pendant le film et surtout à la fin, apprend avant tout à accepter la tendresse ainsi que sa sensibilité. Est-ce quelque chose que vous aviez en tête ?
Complètement. Comme moi, je pense que Xuan est habituée à être entourée d’agressions et de colère. Mais sa façon de résister et de contrer cela est la douceur. Pour moi, il y a beaucoup de pouvoir à choisir de rester doux dans les moments difficiles.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
J’adore Edward Yang, Hirokazu Kore-eda, Agnès Varda, Andrei Tarkovski, Céline Sciamma, Sofia Coppola, Dea Kulumbegashvili, pour citer quelques noms. Il y a trop de cinéastes qui m’inspirent et m’enthousiasment !
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?
La dernière fois que j’ai eu un tel sentiment, c’était lorsque j’ai regardé le court métrage Vox Humana de Don Eblahan. Je suis peut-être partiale parce que c’est un ami cher, mais le film est un travail incroyable, et la voix de Don est si singulière. Il est si spécial et c’est vraiment quelqu’un à suivre.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 15 février 2025. Un grand merci à Sam Chua Weishi.
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