Le documentaire Coming Out propose un montage de vidéos filmées par des jeunes du monde entier. Ils ouvrent leur cœur comme ils sauteraient dans le vide sans savoir, comme le commente le réalisateur Denis Parrot, s’« ils ont un parachute qui va s’ouvrir ». Le résultat, politique, édifiant et émouvant, devrait être reconnu d’utilité publique. Coming Out sort ce mercredi 1er mai et Denis Parrot est notre invité.
—
Quel a été le point de départ de Coming Out ?
C’était il y a deux ans, je suis tombé sur une vidéo en ligne d’un jeune Britannique qui appelait sa grand-mère pour lui annoncer qu’il était gay, juste tournée avec sa webcam… Il y avait beaucoup de tension dans cette vidéo, beaucoup de silences aussi. Ça m’a rappelé mon adolescence, au cours de laquelle j’ai traversé les mêmes doutes et les mêmes peurs. Cela m’a vraiment ému, et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire sur cette base. Je ne savais pas que ce type de vidéos existait et j’ai découvert qu’il y en avait non pas quelques-unes, mais des milliers. Au total, j’en ai visionné plus de mille-deux-cent, pour en garder dix-neuf et en tirer un film d’une heure.
En visionnant ces différentes vidéos pour préparer votre film, avez-vous noté des récurrences dans les différents coming out filmés ? On note par exemple que ce sont régulièrement les jeunes gens faisant leur coming out qui se retrouvent à consoler et rassurer leurs parents…
Oui, en effet, c’est souvent ce qui est si dur pour les familles : leur enfant a réfléchi pendant un très long moment à cette conversation, et certains parents n’y sont pas préparés et tombent de haut. C’était aussi important pour moi de ne pas jeter la pierre aux parents, qui sont souvent démunis par rapport à cette annonce. Il faut souvent leur laisser un peu de temps. Ils se retrouvent à leur tour à être dans la situation de devoir faire un coming out, comment le dire à leurs amis, à leur voisin, et de se rendre compte de la difficulté de la situation. Mon film essaie justement de mieux les préparer à l’éventualité que leurs enfants puissent être lesbienne, gay, bi ou trans. Ce qui est étonnant dans toutes ces vidéos et qui ressort, c’est que tous ces jeunes ont peur de perdre l’amour de leurs parents et de leur famille. C’est vraiment quelque chose que j’ai senti dans toutes ces vidéos. Un coming out est un saut dans le vide, et tous ces jeunes se demandent si ils ont un parachute qui va s’ouvrir.
L’un des intervenants explique de manière puissante qu’on ne fait pas son coming out en premier lieu pour que les hétéros le sachent, mais qu’on le fait le plus fort possible afin que les autres jeunes queers entendent qu’ils ne sont pas seuls. Était-ce également votre but en faisant ce film ?
Oui tout à fait, c’est ce que j’ai ressenti dès le départ : l’impression que tous ces jeunes font ces vidéos non pas pour eux, mais pour les autres. Je pense que j’aurais aimé voir ce film dans mon adolescence. Les jeunes LGBTQ+ peuvent se sentir très isolés, comme Artem en effet, ce jeune homme russe qui pensait être le seul gay de toute la Russie… Le fait de voir ces vidéos, de les partager, permet de se sentir appartenir à un groupe qui vous comprend et vous soutient, c’est fondamental. Sur internet, dans les commentaires de ces vidéos, des jeunes remercient, écrivent que même s’ils n’y avaient pas pensé, après avoir vu la vidéo, ils vont faire la même chose… et peu à peu un système viral se met en place, pour briser l’isolement.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
En documentaire, j’ai été marqué par Carré 35, d’Eric Caravaca, Histoire d’un secret de Mariana Otero et aussi Les invisibles de Sébastien Lifschitz. Ces 3 films ont beaucoup de choses en commun, ils expriment la difficulté de parler de l’intime, des relations familiales. Ils ont été un vrai choc pour moi, et me parlent directement au cœur.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
C’est rare d’être vraiment surpris au cinéma… Le roi de l’évasion et L’inconnu du lac de Alain Guiraudie ont été une vraie bouffée d’air frais. Et également les films de Yann Gonzalez, Les rencontres d’après minuit et Un couteau dans le cœur. Ces deux réalisateurs suivent leur propre chemin, et imprègnent les salles de cinéma de leur univers singulier.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 23 avril 2019. Un grand merci à Matthieu Rey.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |