Berlinale | Entretien avec Chia Chee Sum

C’était le plus beau film de la compétition du Festival de Busan et il fait sa première européenne cette semaine au Forum de la Berlinale. Dans Oasis of Now, le Malaisien Chia Chee Sum raconte l’histoire d’une mère vietnamienne vivant à Kuala Lumpur, et qui retrouve sa fille en secret alors que celle-ci vit dans une famille malaisienne du voisinage. Pour son premier long métrage, le cinéaste maîtrise un art subtil de la suggestion dans ce film où le contraste entre la brutalité du quotidien et la contemplation paisible offre un relief singulier. Chia Chee Sum est notre invité.


Quel a été le point de départ d’Oasis of Now ?

J’ai toujours voulu explorer les sentiments que j’ai vis-à-vis de ma famille recomposée, mais je ne savais pas trop comment les exprimer… Le déclic, ça a été une conversation que j’ai eue avec mon défunt grand-père il y a quelques années au sujet de sa relation avec son frère originaire de Chine, qu’il n’avait jamais pu rencontrer en personne.



Le bâtiment dans Oasis of Now joue un rôle important dans le film et dans les relations entre les personnages. Pouvez-vous nous dire comment vous avez choisi ce lieu, et comment vous avez décidé de le filmer ?

Ce complexe d’appartements est l’endroit où vit ma famille recomposée. Je suis arrivé dans cet appartement quand j’avais environ dix ans. J’étais vraiment excité d’essayer de m’intégrer dans ce nouvel environnement, et ma belle-famille était très gentille avec moi… C’est juste que parfois, je me sentais comme un étranger. Bien que je n’y aie pas vécu si longtemps, j’y retourne encore de temps en temps pour des occasions familiales.

L’escalier que vous voyez dans le film est l’endroit où je traîne la plupart du temps parce que, pour moi, être là me permet d’entendre encore les sons de ma belle-famille et leurs conversations. Ils savent que je suis là, mais je peux maintenir une distance confortable. Je voulais exprimer ces sentiments, ils ont contribué à façonner le film. C’était important pour moi d’utiliser ce complexe d’appartements comme lieu de tournage parce que c’est là que j’ai appris et que je me suis familiarisé avec ces émotions, malgré son apparence et ses limites spatiales.

Et en essayant d’observer cet endroit de plus près, je me suis rendu compte qu’en raison de sa mauvaise construction et du développement du quartier, de nombreux résidents locaux ont soit déménagé, soit loué leurs appartements à de nouveaux migrants, certains fondant même leur famille ici. J’espérais que le film représenterait fidèlement la communauté réelle de ce complexe, alors au lieu de me concentrer uniquement sur ma relation avec ma belle-famille, j’ai essayé d’explorer leurs histoires avec les sentiments que je connais.



Il y a dans votre film à la fois une contemplation paisible et malgré tout une histoire violente. Comment avez-vous trouvé votre chemin entre ces nuances ?

Je pense que c’est en partie lié à l’ambiguïté. Compte tenu du genre de sentiments que je voulais exprimer (comme mentionné précédemment) et du thème général du film, je sentais qu’il serait plus efficace de mêler à la fois des aspects agréables et désagréables, le sentiment de paix et de violence dans l’esprit des spectateurs.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

J’aime les films de Michael Haneke, Abbas Kiarostami et Robert Bresson.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

A part quand je travaille sur mes propres projets, je suis toujours enthousiaste à l’idée d’explorer de nouveaux films, particulièrement par des cinéastes pour qui le cinéma, ça n’est pas juste raconter une histoire.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 13 octobre 2023. Un grand merci à Patitta Jittanont et Mai Meksawan.

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