Festival de Sundance | Critique : Watcher

Julia et son mari, d’origine roumaine, quittent les États-Unis pour emménager à Bucarest où celui-ci a trouvé un nouvel emploi. Elle se retrouve souvent seule et inoccupée dans leur appartement. Une nuit, elle aperçoit par la fenêtre une silhouette vague dans un bâtiment adjacent, qui semble être en train de l’espionner.

Watcher
Etats-Unis, 2022
De Chloe Okuno

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

CHAMBRE AVEC VUE

Julia (Maika Monroe, révélée par It Follows) débarque dans le film au bras de son époux. Un nouvel emploi pour lui, un nouvel appartement pour eux : la situation qui l’attend pourrait être enviable mais le long métrage nous met vite sur la piste inverse. Plongée dans une ville où elle ne connait rien, ni la langue, ni les usages… avant même qu’elle l’ait elle-même réalisé, on a déjà compris que Julia a débarqué en plein cauchemar. L’appartement qu’on leur fournit, parfaitement décoré (mention spéciale à la direction artistique du film), pourrait faire office de nid d’amour chaleureux si la fenêtre du salon n’était pas si étonnamment large. Utile pour faire rentrer la lumière en journée, la baie vitrée en question a vite fait d’inviter les ténèbres dès le soir tombé.

Julia est jeune, intelligente et brillante, et en même temps elle ne fait… rien. Il est d’ailleurs plutôt amusant que le scénario ne s’oblige pas à expliquer longtemps son oisiveté de femme au foyer. Hormis une séance au ciné avortée et un passage énervé au supermarché, Julia semble passer ses journées à apprendre quelques mots de roumain et à errer de façon hagarde entre quatre murs. Elle reste même régulièrement plantée devant la fenêtre, happée par la mystérieuse silhouette masculine qui l’épie en permanence depuis l’immeuble d’en face. Tout dans cette recette cinématographique aux ingrédients bien connus est réuni pour faire basculer la jeune héroïne dans la psychose.

Familier mais élégant (notamment dans son usage de la lumière), Watcher demeure un thriller dramatique classique qui respecte son programme à la lettre. Peut-être sans éclat d’originalité, mais pas sans application. Cette histoire d’Américaine oppressée par un supposé espion dans un pays d’Europe de l’est aurait pu servir d’écho cinématographique à une paranoïa post-guerre froide ou encore de commentaire politique sur « l’exceptionnalisme »des États-Unis, c’est à dire cette manière absurde et paternaliste dont le pays se fantasme en modèle universel de normalité. Or Watcher vient en réalité traduire une forme de peur davantage contemporaine. Le film illustre comment, à coup de gaslighting ou de victim-blaming, les jeunes femmes qui demandent de l’aide sont le plus souvent poussées à la remise en question et à l’isolement perpétuels par leur entourage comme par la société entière.

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par Gregory Coutaut

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