Festival de Mannheim-Heidelberg | Critique : Vera Dreams of the Sea

Vera, épouse d’un juge renommé, envisage d’offrir un avenir à sa fille en vendant leur maison de campagne. Mais son mari décède subitement et un lointain parent se présente et prétend détenir la propriété de cette habitation. Vera doit décider : céder ou lutter.

Vera Dreams of the Sea
Kosovo, 2021
De Kaltrina Krasniqi

Durée : 1h27

Sortie : –

Note :

LA FEMME INVISIBLE

Récemment sélectionné à la Mostra et récompensé par Isabelle Huppert à Tokyo, Vera Dreams of the Sea est une nouvelle preuve de l’actuelle vitalité du cinéma kosovar. L’année s’est ouverte avec le triomphe de Hive réalisé par Blerta Basholli, triplement primé à Sundance, avant d’enchainer avec Looking for Venera de Norika Sefa, prix du jury à Rotterdam. Des succès auxquels on peut ajouter la coproduction La Colline où rugissent les lionnes de Luàna Bajrami, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs.

Ces films ont deux points communs assez évidents : ils sont tous signés par des réalisatrices, et tous décrivent l’expérience de femmes dans une société patriarcale. Jeunes ou moins jeunes, c’est un peu comme si ces héroïnes avaient, de film en film, leur shared universe à elles. Mais il n’est nullement question ici de science-fiction : les problèmes auxquels Vera se heurte sont tristement réalistes et concrets. Le visage paisible de cette quinquagénaire se superpose lors des premiers moments du film sur des images de mer. Mais ses yeux restent fermés et ce qu’elle ressent n’est pas si aisément lisible.

Vera est interprète en langue des signes. C’est un symbole – peut-être pas le plus fin – dans ce récit où il est question, malgré les embûches, de faire entendre sa voix. Suite à une tragédie (le suicide de son mari au tout début du film), on s’attend à ce que Vera soit soutenue dans cette épreuve. C’est tout l’inverse : l’ordre en place exige qu’elle s’efface, elle comme les autres femmes. Kaltrina Krasniqi et sa scénariste Doruntina Basha apportent nuances et aspérités à leur protagoniste, évitant le didactisme un peu figé des magnifiques-portraits-de-femmes où les héroïnes finissent privées de leur complexité. Le traitement, à nos yeux, reste un peu classique – c’est un ouvrage bien fait mais qui parfois manque d’intensité, de singularité. Ce solide premier essai mérite néanmoins d’être vu.

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par Nicolas Bardot

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