Festival de Rotterdam | Critique : Un gran casino

Un gran casino fait le portrait du plus grand casino d’Europe, une monstruosité postmoderniste au bord du lac de Lugano.

Un gran casino
Autriche, 2025
De Daniel Hoesl

Durée : 1h17

Sortie : –

Note :

RIEN NE VA PLUS

De son premier long métrage Soldate Jeannette (Tiger Award au Festival de Rotterdam 2013) jusqu’à ce Un gran casino, en passant par Veni Vidi Vici qui est sorti l’an passé dans les salles françaises, tous les films de l’Autrichien Daniel Hoesl traitent, d’une manière ou d’une autre, quel que soit leur ton, de la dimension monstrueuse du capitalisme. La monstruosité dans Un gran casino est d’abord esthétique : le Casinò di Campione est une grosse verrue bétonnée aux abords du lac de Lugano, comme une tache sur une carte postale. Le bâtiment se dresse là, comme un vaisseau spatial qui s’y serait posé sans aucun égard pour ce qui l’entoure.

Dans ce documentaire qui est aussi un essai poétique, Daniel Hoesl filme un lieu qui, avec ou sans accent, change de sens : c’est « un grand casinò » tel qu’on peut l’entendre en français, mais aussi « un grand bordel » (casino sans accent). Le long métrage est filmé dans un lumineux noir et blanc, de sorte que lorsque le drapeau italien est saisi par la caméra, celui-ci n’a plus de couleurs et pourrait être le drapeau de n’importe quel pays. Le Casinò di Campione se situe d’ailleurs dans une zone grise entre Italie et Suisse, jouant ainsi au mikado pour s’en sortir de la manière la plus avantageuse d’un point de vue fiscal.

Un gran casino n’est pas tant un film sur cet établissement qu’une évidente allégorie du capitalisme complètement dingue. Le Casinò di Campione est filmé sous tous les angles, mais demeure un lieu abstrait. Dans le capitalisme comme au casino, « le but du jeu c’est le jeu » et l’avidité n’a pas de fin. C’est le théâtre d’un braquage qui se reproduit indéfiniment, orchestré par la main invisible du capitalisme. « La vérité ne m’a jamais vraiment intéressée » déclare une protagoniste allégorique, maîtresse cynique en tailleur strict qui attache son collier avec soin dans un plan qui rappelle Soldate Jeannette.

La multiplication de ces personnages-allégories n’est pas ce qui nous semblé être le point fort du long métrage, qui interpelle davantage lorsqu’il est plus dénudé. Lorsqu’il évoque le spectacle inquiétant du capitalisme et fait le tour d’un cimetière, lorsque la voix répète rien ne va plus comme un mantra hanté, lorsque la roulette dorée continue à tourner alors qu’aucun être humain n’est visible dans le cadre. Plus personne n’a la foi, l’église a disparu mais le jeu morbide continue. « Quelle est la plus belle chose avec le capitalisme ? », entend-on dans le long métrage. « Que personne ne demande jamais ce qu’est plus belle chose avec capitalisme ».

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par Nicolas Bardot

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